Alors ce petit parc là, t’es bien t’es tranquille tu teases ? tu me remarques ou quoi, t’as les yeux à l’envers ? et l’arbre au-dessus, tu crois qu’il te fait des fleurs dans ton état ? c’est pas pitoyable de kiffer la vie comme ça toujours allumé ? c’est le ciel qui te parle tu crois ? les yeux à l’envers faut l’savoir si tu t’vois mieux en couleurs ? t’as le trac là ? tu veux pas improviser pour une fois ? si ça s’trouve t’es plus bas-que tout haut-fort d’ton bas c’est à ça qu’tu penses quand du haut tout en bas ? Tu veux encore dormir ? tu regardes tes doigts à pile ou face t’es déjà dans la transe ? et puis qu’est-ce que tu tiens dans la main, tu fumes encore les doigts de ton dernier amant ? si tu veux des fleurs, y a qu’à demander t’es clair avec toi-même ? t’es sûr que tu préfères pas plutôt t’asseoir avec du monde ? une terrasse, un parc paisible, plus familial, avec des gens qui courent dedans ? quand t’as du monde autour, tu te sens pas plus assimilé mec ? tu veux pas nous chanter une chanson là, genre Let it be ? Ah mais tu crois que je te vois pas venir avec tes cheveux cachés sous ton bonnet ? avec un ciel à trente cinq degrés, tu trouves pas ça un peu bizarre ? et puis ton pantalon en velours là, tu l’aurais pas chopé dans un Emmaüs par hasard ? tu crois que tu fais le poids t’en as pas marre ? de battre la ville au lieu de prendre un vrai chemin mec ? t’as pas l’impression tout de même ?… de mal assurer quelque part ? tu tournes en rond non ? déjà quand tu sors le lait du frigo, tes doigts y tremblent tellement qu’il faut t’y reprendre plusieurs fois et surtout les bras lents, l’ouverture la fermeture du frigo faut que tout soit tellement lent ? et même si t’es l’intello du groupe, ça fait combien de temps que t’as pas lu un bouquin jusqu’au bout ? tu crois vraiment que tu vas t’en tirer sans remuer des neurones ? même si t’es toujours à courir à surfer sur les vagues de béton, tu te rends compte quand même que t’as les jambes couvertes de bleus ? non mais je sais que tu sens rien, mais t’as pas l’impression quand même de te détériorer ? l’anesthésie par les cachetons, t’as pas l’idée de sentir que t’es diminué que ça change la donne ? tu te fais pas confiance, tu te sens pas debout ? t’as pas envie d’essayer d’arrêter ? juste pour voir comme on regarde les choses de biais pour entrevoir des trucs insoupçonnés ? juste par curiosité ? et puis ce banc mec, ça fait pas des mois que tu t’assois dessus ? tu veux pas changer de crémière ? tu veux pas changer pour commencer ? avec ta peau toute ruisselante gonflée toute rouge, tu te sens pas glisser dans le zona mec ? tu veux pas revoir la fille qui t’avait bien guidé, t’avais même commencé ? tu te souviens des premiers jours de la cure mec ? la gentillesse du personnel tu t’en souviens ? le tord-boyau du manque c’était pas si pénible finalement tu t’en souviens ? la méthadone tu t’en souviens c’était lassant c’est ça ? t’aimes pas être reconnu coupable c’est ça ? tu voulais quand même faire moins d’inquiétude dans les yeux de ta sœur tu te souviens ? ça ferait un nouveau départ un nouveau défi tu crois pas ? tu préfères pas plutôt manger là ? t’as pas faim oui je sais mais tu veux pas arrêter de mâchouiller ce machin ? tu te souviens y a pas des trucs que tu aimes ? que tu aimes toujours malgré tout ? tu veux pas m’écouter genre ? si tu te mets debout sur ton banc, t’auras pas un peu l’impression que t’es capable de t’élever ? tu crois franchement que j’en ai rien à foutre de ton arbre et de toi ? tu sens pas que le vent rien que de parler il se met à te frôler gentiment là ? tu penses pas que ta vie mise à pied saurait pas sauver quelqu’un ? tu penses pas qu’un peu d’aide ça te remonterait le cœur à l’atelier ? t’as toujours eu du cœur à l’ouvrage, maintenant tu veux pas le lâcher ton cœur pour penser rien qu’à toi mec ? c’est possible de faire une pause là ? genre tu te moques ou tu me suis là ? si la nuit s’met à glisser, tu vois bien que l’temps progresse non ? tu t’crois surhumain de pouvoir t’décrocher du temps ? on peut échapper à ses lunes tu crois ? tu penses que j’ai tort de parler c’est ça ? t’as pas envie d’un bon bain pour commencer ? les libations tu te souviens ? t’as pas envie d’improviser pour une fois ?
Portrait imparable !
Merci Françoise !
Battre la ville, s’anesthesier jusqu’à. Très beau portrait réaliste poignant. Si notre vie consistait à répondre à cette question pleine: comment échapper à ces lunes?