Pas d’autre choix que de me rendre à la cité administrative ce matin pour mon rendez-vous avec les Finances publiques. D’abord, j’ai accompagné mon fils à l’école et on a pu rouler à vélo au milieu de la chaussée, sans se serrer contre le bord du trottoir comme on fait d’habitude, parce que la rue est désormais fermée à la circulation en fonction des horaires de l’école. Il est parti très vite comme il fait toujours mais j’ai quand même pu lui rappeler qu’il devait m’attendre cinq minutes si j’étais en retard cette après-midi et qu’on rentrerait vite pour son cours de guitare. Il commençait à pleuvoir alors je suis passée par la maison prendre un k-way. J’en ai profité pour lancer une machine que j’aurais le temps de mettre à sécher avant de me rendre au lycée. La viande était bien sortie du congélateur pour le repas de midi. J’ai hésité au sujet du meilleur chemin à emprunter et j’ai finalement filé sur les boulevards en espérant aller plus vite. Une voie est désormais réservée aux bus et aux vélos sur la plus grande partie du trajet. J’ai pensé au fond de moi que cette volonté de limiter la circulation des voitures en ville était une bonne chose. Le bâtiment de la cité administrative est apparu au loin comme un grand cigare à moitié consumé. Il est sans doute heureux que la ville compte peu de ces gratte-ciel. J’ai frissonné à l’idée de ces bureaux tous identiques avec lino au sol et plante en pot et de la répétition de ce qui m’apparaissait comme la tâche la plus ingrate qui soit. Il ne restait plus qu’à espérer que la vue sur la ville serait belle. C’est souvent le lieu le plus laid qui offre de sa hauteur le point d’observation le plus intéressant. Une fois mon vélo attaché dans le parking prévu à cet effet, j’ai levé la tête pour scruter le sommet de cet immeuble qui se prétend familier de l’espace aérien. À quelques mètres, dans une rainure entre deux blocs de béton cendreux, se tenaient six jeunes faucons crécerelles à peine sortis du nid. Ils semblaient si petits et si fragiles mais déjà présents au monde avec une assurance instinctive.