Chaque jour à partir de novembre est fait d’hiver et tord-boyau. Tu trembles sur les quais, terminus tout le monde descend. Dégueulasserie la souffrance, j’t’en foutrerais moi des douleurs t’as pas vu la sienne du type là-bas. Par-dessus le fleuve et par-dessus les rails, les gens tombent où nous passons, les aubes à blêmir sur les quais, suite à un accident de personne, notre corps est fait d’hiver, le sang de nos données n’est plus désaltérant, un œil un étouffoir où je te vois manger des milliers de comprimés, c’est un miracle vous auriez dû faire un arrêt cardiaque, les chaises dans les chaises entourent le petit lac, si le parc est désert ne t’aventure pas, si tes jambes de fille t’attiraient les ennuis, tombe et glisse, disparais en courant, orage ô magnétique, mais tu marches en pleurant dans la ville, quand la rue s’élève un peu et te regarde, tu récupères ma chair et mes affaires ensanglantées dans un sac plastique. Fait d’hiver tu la veux ma gueule. De novembre à février, dans les gares de la douleur, de Melun genevilliers jusqu’aux pousses de la détente. Mais la ville répare : de grands filets s’étendent entre les ponts, toboggan digital sur la joue, pétale de filet, t’es presque à la mer. Toutes les barrières de verre se ferment à ton passage, ô mon train ma rame de schiste. Chaque jour à partir de novembre est fait d’hiver. Mais la ville répare. Dans les lumières partout, tu vois les yeux des morts, et par la bouche de la dernière station, châtelet les halles fureurs de jazz, tu les entends chanter. A chaque jour de novembre, la ville répare.
« Notre corps est fait d’hiver » : très joli !
« La ville répare », manière de montrer l’indifférence générale ou vraie consolation d’être repris, englobé, fondu dans le tout urbain ?
Merci beaucoup Grégory, oui pour une manière de réparation, sécheresse du procédé peut-être, mais finalement accueillie, solution de vie
Quelle écriture poétique en opposition avec le sujet mais quel hommage à ces âmes torturées, suppliciées. Merci, très beau texte
C’est douloureusement beau. Je pense à ce livre d’Eric Fottorino qui a laissé une grande trace Suite à un accident grave de voyageur. Je l’ai lu habitant encore Paris. Chaque écoute de ce message me ramenait à lui et plus d’humanité quand la tentation de s’impatienter. Les corps douleurs ne devraient jamais etre sources d’impatience. Belle journée
Le RER quotidien, les peurs, faits d’hiver et les autres, le glauque parfois, quelque chose comme de poisseux, oui je connais ça. « La ville répare » oui, ça fait quelque chose de lire ça.