Je marche avec mon chien sur le petit sentier qui longe le canal de Rompsay. La matinée est belle, le soleil brille. C’est là, à dix mètres devant moi. Je vois la terre mouillée, les herbes écrasées. J’hésite à changer de chemin, il me suffirait de monter sur la piste cyclable. Je ne le fais pas, je continue tout droit. Je tends la laisse, je demande à mon chien d’être attentif. Je passe rapidement, observant le sol et les végétaux piétinés. L’eau est entrée dans la terre, la nuit a préservé sa trace. J’accélère pour passer l’endroit. Je suis un peu gêné, l’endroit mérite sûrement plus de respect. La vie reprend son cours, on ne peut pas extraire du présent chaque lieu d’un drame, c’est impossible. L’endroit ne porte aucune trace, il est déjà sans mémoire, les gens qui me suivent passent sans même ralentir, ils ne savent pas.
C’était un dimanche d’été en fin de journée, le soleil brillait encore. Sur le haut d’un talus, l’herbe était imbibée de sang, en bas dans le champ, le blé était aplati sur une grande surface, et brûlé par endroit.
Le champ labouré, n’est plus le reflet du travail géométrique de l’agriculteur. Là, à la sortie du virage, près de la zone ombragée, des traces, nombreuses et lourdes de véhicules cassent les lignes. Quelques éclats de verre brillent au soleil de novembre.
toi aussi, tu es dans la quête des traces
et tes images sont parlantes
(je te rassure, pas du tout hors sujet me semble-t-il !)
Merci, Françoise, c’est ma deuxième version, dans la première, j’étais complètement dans le fait divers.
Les deux pieds dedans, on ne voyait que moi.
Éloquente cette terre témoin, mais juste assez révélatrice pour que le spectateur s’attarde et s’interroge. Je trouve cet exercice de la plus grande importance, car il nous permet de tisser autour d’éléments très simples et minimaux un trouble, une perplexité, ce que tu as parfaitement réussi dans tes textes ! Merci !
J’aime beaucoup cette évocation de petits détails qui restent en suspension dans notre imaginaire. Avec un très fort désir de souffler sur ces grains de poussières dans le monde de la fiction.
C’est vraiment un très beau texte, progression linéaire au long cours comme un sentier de halage, lenteur du non-dit qui se prépare à la révélation – passer à côté du drame, et les deux derniers fragments superbes