#40 jours #25 | Les Grands Champs

Figure 58 – Les Grands Champs, fermé – Google Maps en street view, juillet 2016 – copie d’écran 20/07/2022

Les volets n’étaient pas blancs. C’était couleur locale avant. On est dans les derrières de Sauveterre. Dans les hauteurs du coteau. Une petite route sinueuse qui monte doucement. Il y a une haie d’arbres le long et un grand pré avec un petit bois. L’ombre y est dense. La ville reste invisible. On est sur une petite route de campagne le long d’une murette blanche grisée avec le temps et rougie par les tuiles à l’entrée. Le portail en bois est resté bleu ciel. Il a blanchi. Il s’est encore plus écaillé. Le pin d’Alep à côté aura grandi et grossi. Il y a des vignes devant et derrière. Un champ. Une autre parcelle de vigne plus loin. On arrive par un petit tunnel végétal. On remonte vers une patte d’oie et les poubelles où commence le prochain hameau. Chez Piaud. Mais on reste un peu à l’écart. Avec le grand château dans le fond qui s’élève comme un champignon. En forme de girolle ou trompette de la mort. Le jardin c’est un grand rectangle biaisé par la route. Une allée de cailloux blancs. Au bout un grand arbre. Peut-être un marronnier ou un châtaignier. Peut-être un beau tilleul. Peut-être un chêne. En tout cas beaucoup d’ombre l’été. La maison surélevée. Un vide-sanitaire peut-être. L’escalier à marches de béton lavé et contremarches de carreaux rouges. Amarantes. Le massif au pied. On a fini par le tailler. Le conifère avait pris de l’ampleur. Avec ses branches apparentes il a un air squelettique. On n’a toujours pas monté les lames de bois entre les montants de parpaings de la murette. Elle aurait pourtant meilleure belle allure. Le petit portail bleu ciel du haut y gagnerait aussi. Les façades ont été nettoyées. Surtout celle de la partie nuit et garage décalée du corps principal. La façade aux traînées de rouge. Et la murette aussi était couverte de ces traces parfois pourpres ou sang de bœuf. On les a bien ravalées. Mais l’antenne satellite a un peu rouillé. Il y a un muret incurvé près de l’escalier. Il retient la terre. Il la met au niveau de la terrasse. Il y avait là un arbre et un banc en bois dessous. Peut-être un prunier. Peut-être un noyer. Mais un arbre devenu trop grand. Trop près de la maison. On l’a abattu. On a installé des chaises longues en plastique blanc. Et un barbecue en béton un peu derrière. Il n’a pas bougé. Le cyprès a grandi. C’est comme une belle flamme droite qui dépasse désormais le fil téléphonique et qui semble aussi haut que le poteau. Le chat aussi est mort. On l’a retrouvé au pied du saule. On l’a enterré là. Sur le muret de la terrasse pend une espèce de drap blanc étendu ou une bâche. Pour sécher ? Pour faire sécher quelque chose dessus ? Comme des fruits ? Des prunes ? Pour étaler des noix mais l’arbre a été scié ? Pour s’allonger dessus ou s’y enrouler comme on a pu le faire une fois ? Les arbustes dans les grands pots ont bien poussé. Ils sont devenus aussi hauts que les pots et ça fait plus équilibré. On les a déplacés en bout de terrasse près du barbecue. On est ici en deçà du hameau. Juste au-dessous. Là où la petite route commence à redescendre. Au lieu-dit Les Grands Champs. Il fait beau et chaud sur ces hauteurs. L’herbe sera bientôt grillée dans le fossé. Dans le jardin aussi. Il ne faisait pas si beau avant. C’était plus couvert du temps des volets bleu ciel fendus. Les nuits restaient fraiches pour la saison. La boîte aux lettres aussi est restée bleu ciel. Elle a blanchi et s’est émaillée. Et non loin une fissure. La route n’a pas été refaite. Elle semble s’être légèrement dégradée sur les bas-côtés. Mais on y a tracé des lignes blanches discontinues. Avant il n’y avait pas de lignes.

Figure 59 – Les Grands Champs, ouvert – Google Maps en street view, juin 2013 – copie d’écran 20/07/2022

A propos de Will

Formateur dans une structure associative (en matière de savoirs de base), amateur de bien des choses en vrac (trop, comme tous les grands rêveurs), écrivailleur à mes heures perdues (la plupart dans le labyrinthe Tiers Livre), twitteur du dimanche sur un compte Facebook en berne (Will Book ne respecte pas toujours « les Standards de la communauté »), blogueur éphémère sur un site fantôme (willweb.unblog.fr, comme pas fait exprès).