Il n’a plus de batterie ni de plan mais il s’en fout, le quartier est agréable. Il est en pente et tout ramassé, on dirait un petit village abandonné. Abandonnée la boulangerie devenue chambre d’hôte mais qui a gardé son nom. En remontant la rue, il note les bornes en béton cassées comme de vieilles statues antiques et se demande quel genre d’engin peut avoir la force d’en briser quatre d’affilée avant de finir dans la vitrine en bas. Il tourne dans une ruelle si étroite que le soleil n’arrive jamais à s’engouffrer. Les maisons sont de plus en plus petites et il étouffe à l’idée d’y habiter. Il se dit qu’il se tuerait là-dedans, que ce serait pratique, que ces maisonnettes ressemblent déjà à des caveaux. Au bout de la ruelle, un immeuble neuf défigure le quartier. On rappelle sur ses murs qu’il y avait autrefois des arbres ici et que le promoteur est un assassin. Il lui faudra redescendre pour retrouver l’adresse. La maison se fond dans la grisaille du trottoir. C’est un bloc de béton posé là au milieu des façades à colombages et qui fait tache. Il est un peu surpris de la trouver aussi laide. Le type de l’agence parle de joyau brut et disserte sur la loyauté du béton. Il se demande quelle mouche le pique mais il visite quand même. Il ne pensait pas acheter quelque chose d’aussi gris, et puis pourquoi un type revendrait une maison neuve. À l’étage, il se penche à une fenêtre comme s’il habitait là. Il lui faudra quelques minutes avant de les voir sur la façade d’en face. Les traces de bois brûlé que le temps n’a pas encore effacées.