L’humain domestique la ville, il l’occupe, il est prêt à mobiliser tout l’espace disponible, jusqu’à toucher le ciel et à disputer cette zone aux oiseaux. Les gratte-ciel sont à l’image de notre démesure, et pourtant ils offrent aujourd’hui la figure la plus ordinaire de nos villes modernes. Cette architecture est conforme à l’ordre normal, habituel des choses ; à côté, le monde naturel est de l’ordre de l’extra-ordinaire. La cité administrative est un des rares gratte-ciels de Bordeaux, elle a été achevée en 1974 pour héberger un ensemble de bureaux destinés à accueillir différents services. Mille trois cent quarante agents de l’État y travaillent pour traiter tout ce qui touche à notre quotidien d’administrés. Depuis 2002, plusieurs phases de travaux de désamiantage se succèdent. Rien de plus ordinaire. On chercherait en vain ce qui pourrait déchirer le voile, se cacher dans la rainure. On peut compter cependant sur l’incroyable résilience de la nature humaine qui sait trouver dans le nom même qu’elle donne aux choses la force de les surmonter. On veut gratter le ciel parce qu’on garde espoir de nouer des liens avec le monde aérien. Alors, quand le 5 juillet 2022 un couple de faucons crécerelles donne naissance à six petits dans un nichoir de la cité administrative, l’enchantement opère et emporte le destin humain. Il prendra son envol avec les six petits à la fin de la semaine prochaine. Ils dessineront un grand V au-dessus des immeubles et des gratte-ciels de la ville moderne. La cité administrative conservera à jamais dans nos esprits l’empreinte de cette élection nouvelle.
J’ai aimé l’air entre tes mots. Le côté aérien de cet événement. « L’air est la substance de nos rêves » écrivait Bachelard.
très beau l’ensemble 25, 26 (lu dans l’ordre inverse par ici) la mère à tous les feux, le vertical, l’horizontal, de la ville et de la vie, et le fragile,
très interressant,
(au fait les faucons reviennent nicher au même endroit, espérons leur retour)
Cet atelier d’écriture m’emporte là où je n’aurais jamais pensé aller ! Alors je vais guetter les faucons maintenant.