Claude Lacrotte est né en 1836 à Lissieu, fils de Jean Claude Lacrotte et Marie Bointon. Célibataire, il vit à la Roue comme ses frères Jean Léonard et Guillaume où leur père s’était installé comme vigneron maître valet de M. de Charrin venant de Ternand. Les parents sont décédés ainsi qu’un autre frère, François mort à 32 ans. Le 7 décembre 1878, Claude Lacrotte quitte son domicile pour se rendre à Lyon y faire un placement : 2000 francs et un livret de caisse d’épargne de 1000 francs. Le 21 janvier on retrouve un bras désarticulé à l’île d’Albigny, ses frères signalent sa disparition, bien que le bras parut trop maigre pour appartenir à un homme dans la quarantaine, ils se souviennent aussi qu’il avait prévu de se faire accompagner dans ses démarches par Antoine Poujard, un cousin agriculteur à Dommartin. Les jambes sont retrouvées et les pieds sont à la bonne pointure. Des vêtements et dans la poche d’un paletot un mouchoir portant les initiales L.C. identique aux douze autres dans son armoire. Le torse sans tête est repêché par des domestiques du château de Crusolles dans un étang de la commune de Lentilly. Les soupçons se portent sur Antoine Poujard qui s’est présenté le 10 décembre pour retirer 950 francs d’un livret d’épargne dont il produit le récépissé daté de la semaine précédente. Une perquisition à son domicile permet de retrouver le sac ayant contenu le torse, c’est un sac de jute, de ceux dans lesquels on transporte l’avoine ou les pommes de terre.
Le 6 décembre 1879, la cour d’assises du Rhône condamne Antoine Poujard aux travaux forcés à perpétuité pour vol avec violences, il décèdera le 7 décembre 1882 à l’île Nou au bagne en Nouvelle-Calédonie Matricule 11968. En 1881, Jean Léonard et Guillaume Lacrotte se constituent partie civile pour faire inscrire l’acte de décès sur les registres d’état civil au vu de liquider la succession de leur frère. L’acte de décès est inscrit sur les registres de Lissieu en date du 3 mai 1881. La tête de Claude Lacrotte n’a jamais été retrouvée.
Si l’histoire est aujourd’hui oubliée, y compris par les généalogistes remontant aux origines de leurs familles lissiloises (une petite nièce de Claude épousa un Pinet, famille bien connue de Lissieu, dans les années 20 du siècle dernier), elle fit grand bruit dans la presse quotidienne régionale dans la France entière, à la rubrique faits divers. Il suffit de taper Lacrotte dans Gallica.
Bernard Galle, né le à Lyon, est clerc de notaire dans l’étude de son beau-père Me Louis Chaine, conseiller général du Rhône, propriétaire du château des Calles à Lissieu et considéré comme la deuxième fortune du Rhône après la famille Mérieux. Le frère de Louis Chaine, Jacques Chaine, PDG du Crédit lyonnais, a été tué dans la rue par un anarchiste autonome, Jean Bilski, le 14 mai 1976.
Le 22 septembre 1980, Bernard Galle quitte son domicile à Lissieu le matin du lundi vers 7 h45 dans une Austin Mini blanche pour se rendre à son travail. Il a trente-quatre ans, personne ne le reverra. Dès 9 h le même jour, un premier coup de fil anonyme annonce l’enlèvement. Un deuxième appel dans l’après-midi fixe le montant de la rançon. Le lendemain,M e Chaine publie un communiqué où il annonce l’enlèvement de son gendre avec une demande de rançon de 5 millions de francs. Il prie la police et la presse de ne pas se mêler du rapt de son gendre. Le vendredi 17 octobre 1980, la rançon est versée aux ravisseurs par l’intermédiaire de Me Rousseau, l’associé de e Chaine. En 1981, deux billets appartenant à la rançon sont retrouvés dans le département de la Loire. Il se révèle impossible de remonter à la source. Bernard Galle est déclaré décédé par un jugement du tribunal civil de Lyon le 16 avril 1982 et l’enquête est définitivement classée par la justice en 1989. Le corps ne sera jamais retrouvé.
Une « affaire lyonnaise » titre le journal Le Monde en octobre 1980. »Une » affaire lyonnaise » jusque dans les intonations de l’un des ravisseurs qui n’a pas contrefait sa voix. Une voix à l’accent » typiquement local » disent les enquêteurs ; une voix qui charrie les inflexions traînantes que l’on entend dans l’agglomération ». Le livre d’un journaliste du Progrès paru peu de temps avant est mis en cause « Lyon, le sang et l’argent »; Paris – négligence ou bêtise – ne respecte pas l’embargo promis par la police lyonnaise, qui devait s’imposer à l’ensemble de la presse au début de l’affaire. Une affaire lyonnaise qui ne sera jamais élucidée.
La fait-divers est une source inépuisable pour le/la romancier/romancière. Chaque ligne lue donne envie d’en écrire d’autres. Une profonde aspiration. Merci Danièle.
tout à fait .merci Jean Luc
Un #25 mené avec beaucoup de /sang-froid/ !
pas pour les victimes. Merci Patrick
décidément il s’en passe de bonnes à Lissieu ! Des faits divers qu’on n’aurait pas osé inventer comme le nom des victimes, je ne sais pas ce que valait deux mille francs à l’époque, une vie apparemment…
à peu près 4000 F d’aujourd’hui. Rien à côté des 5 millions de la rançon que personne n’a revus. Merci Catherine.
Vous êtes très douée et à l’aise dans ce genre biographique/historique, quel rythme haletant
Oh merci Françoise.
Oh, comme cela rend le village incroyablement dense, un autre regard sur les lieux c’est sûr et la verve du texte y contribue,
le réel l’emporte sur la fiction…mais la fiction travaillant le réel va nous emporter encore plus loin avec la 26. Merci Catherine.
Très réussi. Raconter des faits divers, tu excelles dans cela aussi. Bravo !
Merci Anne. je suis sûre que tu vas aimer la suite qui part dans la fiction.
C’est très réussi, le passage du reel à la prose poétique qui pousse la lecture. On pourrait continuer encore. 🙂
Merci. Je n’ai fait que réécrire des articles de jounaux. Je continue dans la fiction avec la 26…mais je ne retrouve ni la tête ni le corps.