Au Grand Central pour commander, il faut accéder au site internet via un QR code, la méthode s’est généralisée avec la pandémie, on ne faisait plus circuler de cartes de main en main par peur de la contamination, certains établissements l’ont maintenue, d’autres pas. Jusque là rien de bizarre, on acquiert vite de nouvelles habitudes même si, pense-t-elle, la déshumanisation du secteur horeca, et des services en général, se poursuit peu à peu comme une gangrène. Ils ne prennent pas non plus les commandes à table, ni les paiements qui se font soit en cash au comptoir, soit aussi via le site, on clique sur son choix qui se téléverse dans le panier, puis on passe au paiement comme pour un achat en ligne, sauf que, il faut un lecteur de données bancaires pour procéder au paiement ; qui se balade avec son lecteur de cartes sur soi se demande-t-elle, un client sympa lui en a dégoté un, sinon impossible de payer, ils n’ont pas de machine. Après que le serveur lui a apporté son verre de vin, elle le déguste avec une attention particulière quand elle songe au flux de données qui a dû être activé pour le mener jusqu’à elle, flux démultiplié proportionnellement au nombre de clients qui effectuent choix, commandes et paiements en cascade tout au long de la soirée, flux qui se jette dans l’immensurable bain de données où nage la clientèle sans s’en rendre compte, elle regarde autour d’elle mais bien sûr on ne voit rien et pourtant elle a l’impression que les contenus internet qui défilent sans arrêt, les données bancaires qui circulent non stop, les données de stockage des produits qui se gèrent en continu, tout ça virevolte autour d’elle, elle se sent prise de vertige, presque de nausées, heureusement qu’il y a le verre de vin pour dissiper son malaise.
Ah, belle idée ! Merci. Voilà qui relance la machine. Tellement bien décrit tout ce mouvement invisible.
Merci beaucoup, Anne ! Et merci de ton passage !