Elle marche.Elle marche tout droit dans l’aube grise de ma ville. Dans l’aube grise de ma ville, personne ne semble la voir. Personne ne semble la voir parmi les rares passants qu’elle traverse, cette petite gosse perdue dans ses vêtements avec ce poisson qu’elle transporte. Ce poisson qu’elle transporte serré tout contre elle, il a de gros yeux jaunes. Ces gros yeux jaunes, ma ville les repère. Ma ville les repère et elle veut comprendre. Elle veut comprendre pourquoi une gosse traverse ses rues, ses immeubles, ses boutiques, ses usines et ses habitants sans que personne ne s’aperçoive de rien. Rien, c’est quand même pas rien d’être traversé par une gosse et un poisson aux gros yeux jaunes au petit matin. Au petit matin, ma ville elle est plutôt calme alors, elle les suit cette gosse et son poisson. Cette gosse et son poisson, ça l’inquiète ma ville. Ça l’inquiète ma ville encore plus quand elle les voit bifurquer juste avant le pont pour descendre sur les quais et s’engager dans l’escalier étroit qui mène jusqu’à l’eau sombre du fleuve. L’eau sombre du fleuve où ma ville les voit s’enfoncer. Ma ville les voit s’enfoncer, la petite gosse et son poisson aux gros yeux jaunes, mais elle ne les voit pas remonter. Elle ne les voit pas remonter alors, ma ville, elle hurle. Elle hurle.
Superbe ! Terrible ! Ces deux personnages qui traversent la ville et cette ville impuissante…Un grand merci.