j’ai recherché un moment pour finir par trouver cette image, mais peut-on trouver quelque chose de plus ressemblant à un train qu’un autre ? des rails parallèles, un site « propre » comme aime à dire cette saloperie de vulgate technocratique, mais le bleu mais le blanc mais le vert – ça pourrait être n’importe où, il se trouve que c’est là, tu sors, à droite droit devant le pont, la voie, alors il s’agissait des voitures rouges et vertes du métro parisien (les wagons si tu préfères), c’est ce que me dit la vérité – celle des souvenirs reconstitués, ça ne fait pas de doute, mais elle est là, têtue comme une bourrique – et donc le train vient de la Marsa et va sur son erre jusqu’à l’avenue de France déconstruite puis rebâtie en Habib Bourguiba du nom du combattant suprême – il est mort en deux mille sénile et reclus, je me demande bien si ce n’est pas dans sa ville natale (Monastir, à cinquante kilomètres au sud de Tunis, si tu y vas tu ne peux pas le manquer il est (enfin il était) partout – aujourd’hui je ne sais pas : je dois aller droit au but mais non) (ce type avait pour concurrent (dans son fantasme, tu sais comment c’est) le Charly d’ici – sa photo pour promouvoir son image (regard camera)
était sensiblement la même que celle du Charles d’ici (ah regarde sur sa gauche…)
– des hommes providentiels vêtus d’une espèce de smoking noir, neupap blanc pour les deux, encouronnés (mais tête nue) enrubannés (ici rouge, là-bas blanc) de badges et autres colifichets d’or – tout le monde a été, est ou sera bourguibien, comme on sait – son successeur plus ou moins (plutôt plus) dictateur est crevé en Arabie saoudite qui l’a recueilli quand il s’est sauvé comme un voleur (un chien, une hyène, en deux mille onze) (la révolution de jasmin faisait part au monde de l’existence de ce petit état – les fleurs, et leur pouvoir, les œillets d’avril soixante-quatorze (vue d’ici ça a quelque chose d’un peu daté) (j’adore) (depuis quelque temps, je ne fais plus la différence entre le journal et l’atelier) (c’est égal, je vais tout droit) – la première idée a été de partir de là pour Tarente (suivre le chemin qu’à vingt ans il avait emprunté) plein nord plein jusqu’à ce pays damné, mais n’en rien dire (son père, en train, bestiaux numéros rampe fumée) – revenir et rester en soixante – rester en juillet – chaleur standard, lauriers roses et bougainvilliers (jusqu’au nom même des fleurs…) – à droite la station-service bp – à gauche, la rue (elle est dite de la Goulette, le G du TGM, certes mais aussi celui de son prénom – il y est né, dans cette petite ville du bord de la mer, de la lagune, là, en août) – sortir de cette maison, le petit jardin, le petit garage, la grille de fer forgé, en partir pour toujours et d’elle n’en rien garder – la rue monte à gauche après le pont vers le palais, plus loin, le lycée, plus loin encore Sidi Bou Saïd (du nom d’un saint tendance plutôt soufie) et sa vue ses cafés plus ou moins délices son jus de fraise – deux mille douze voilà dix ans le voyage la baie la maison les guêpes : rien n’a donc changé ? – si sûrement, les trottoirs, les fleurs, les passages, on allait dans ce break genre je ne sais plus comment ça se nomme, berlingo c’est ça, on regagnait la baie, loin, derrière le cap – quelque chose du salut à cette population qui se révoltait – c’était avant la quinze de ce siècle (janvier, juin, novembre…) puis les autres et les autres encore (ça n’en finira donc jamais ? ) – tu vois, c’est cette façon de voir les choses, cette idée que s’enchaînent les événements et que nous n’y pouvons rien – nous n’en avons aucunement la maîtrise, mais qui l’a ? – alors on allait partir, il faisait chaud il fait toujours chaud c’est l’été mais non, du plus loin, d’aussi loin qu’il m’en souvienne comme dit la chanson, de ce plus loin-là, non je ne savais rien de ce qui allait se passer
Tout droit en arrière et impossible de prévoir ce que le pouvoir laisse de dégâts et de bourgeons encore intacts dans les massifs de jeunes fleurs ! Votre texte n’est pas comme un train « ressemblant » , il raconte une histoire singulière qui contient toutes les autres malgré lui… Le train furieux de l’Histoire d’un Pays…
Marie-Thérèse ça tombe bien c’est le but (simplement je ne sais pas bien de quel pays je parle ou il s’agit en vrai : était-ce la France, était-ce son protectorat (jusqu’en 56), était-ce cet état-là ou celui qu’on voit de nos jours : ici ? là-bas ? ailleurs et n’importe où ? – « mystère et boule de gomme » comme disaient mes héros) – ça fait vraiment plaisir d’être entendu et compris comme j’espère l’être – merci à vous
Piero, ta dérive est infinie. Tu nous y emmènes chaque fois, chaque jour, au fil de tes textes magnifiques.
Merci !!
merci à toi Fil
« simplement je ne sais pas bien de quel pays je parle » d’un autre côté cette Histoire est tellement répétée, partout, on change un peu le décor et hop c’est reparti. Merci pour ce texte qui m’a traversée
merci toi pour ta lecture Vero