Quelques idées pour un timbre poste dans lequel l’horloge se serait affolée. Une ébauche de projet, une armature.
Rua de la Rossela, impasse Miqueu de Montanha (hier et aujourd’hui)
La rue de la Rousselle est une des plus anciennes rues de Bordeaux. Au Moyen Âge, elle était le centre d’un important commerce : vente en gros de poissons salés, huiles provenant du pressurage des poissons, sel récolté dans les marais salants du Golfe de Gascogne. On vendait des morues, des harengs, des sardines, du savon et des huiles. D’après Camille Julian, les étals de poissons frais et autres poissons salés empuantaient l’air du quai des Salinières jusqu’à la rue Sainte Colombe. On est au bord du Peugue et de la Garonne, la zone est marécageuse, régulièrement inondée à l’extérieure des fortifications de la deuxième enceinte.
Le 3 juin 1165, une bulle du pape mentionne pour la première fois cette rue car plusieurs maisons appartiennent à l’abbaye de La Sauve, riche et prospère durant tout le Moyen Âge. Ces maisons sont à quelques pas de la chapelle Saint-Jean construite sur pilotis au bord du Peugue pour les pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle.
En 1367, un extrait de compte nous permet de savoir que Pierre Vigier (Petrus Vigerii) habitant de la rue de la Rousselle (de Rossela) est débiteur (debet) pour la maison neuve qui fait le coin, près de la Devise, autrement dit de la Grande Charpenterie (pro domo nova que est in angulo, juxta Diviciam, sive ruam Magne-Carpenterie). La rue de la Devise, anciennement Devèze, recouvrait le fleuve souterrain de Bordeaux du même nom.
Au XIVe siècle, une famille d’origine écossaise, s’installe rue de la Rousselle : les Makanam. Guillaume Makanam, d’abord marchand puis bourgeois, devient jurat en 1406. En 1483, Etienne Makanam, après avoir été contrôleur de recettes ordinaires de la sénéchaussée de Guyenne, connétable, maître d’hôtel de Louis XI, devient sous-maire de Bordeaux. Ses descendants seront parlementaires. Des familles puissantes, enrichies par le commerce, se succèdent dans ce quartier de Bordeaux.
Au XVe siècle, Ramon Eyquem possède deux maisons, aux n°23 et 25 de la rue de la Rousselle. Il reçoit en héritage une troisième maison de son parrain Ramon de Gaujac. En 1477, son fructifiant commerce de poissons salés et d’huiles lui permet aussi d’acquérir la seigneurie de Montaigne en Périgord. Le 26 juillet 1497, son fils, Grimon Eyquem, achète à Jean Gimel une maison « en la rua qui va et qui es darrey l’hostau dudit Ayquem, confrontant l’hostau et cosine dudit Gimel d’une part, et l’hostau dudit Ayquem, d’autre part ». Il est aussi propriétaire de chais et de magasins. Il se lance dans le commerce du poivre. En 1519, à sa mort, son fils aîné, Pierre Eyquem, seigneur de Montaigne, habite toujours la maison paternelle. La petite rue perpendiculaire qui dessert le groupe de maisons prend le nom de ruette Montaigne. Le 1er août 1554, Pierre Eyquem de Montaigne est nommé maire de Bordeaux. En 1565, son fils, Michel Eyquem de Montaigne, se marie dans la maison de la rue de la Rousselle. Il y demeure jusqu’en 1570, date à laquelle il démissionne de sa charge de conseiller au parlement de Bordeaux. Au XIXe siècle, la façade de la maison est remaniée.
Le 21 juin 2021, deux immeubles de la rue de la Rousselle s’effondrent, aux n°19 et 21. Les immeubles voisins sont évacués par crainte d’un effet domino. Cent trente personnes se trouvent dans l’obligation de quitter leur logement. La ville annonce le lancement d’une grande étude sur l’état du centre ancien. Ces édifices historiques, bâtis pour certains depuis trois siècles, sont construits avec la pierre de Bordeaux, une pierre calcaire, très poreuse, issue des carrières des bords de la Dordogne et de la Garonne. Le sol argileux réagit au changement climatique.
Ce vendredi 8 juillet 2022, la rue fermée depuis un an sera ouverte. Les habitants qui résident dans les immeubles n°22, 26, 28, 30, 15 et 25 vont réintégrer leur logement. Ceux qui résident dans la dent creuse des immeubles effondrés ne sont pas concernés par ce retour. Dans la ville, cent soixante douze arrêtés de péril concernant des bâtiments anciens ont été établis. Plusieurs plaintes contre X ont été déposées pour mise en danger de la vie d’autrui. Le maire dit qu’il faut revisiter les façons d’aménager la ville. Il assure que Bordeaux ne s’effondre pas.
Vos recherches dans l’Histoire m’ont permis cette promenade dans le temps en même temps que dans ce lieu qui est en train de revivre, je l’espère. Belle évocation. Merci