Le 15 mars 1952 à 8:00, rue de la Rotonde – Le figuier n’est encore que branches dénudées. De son balcon au premier étage elle peut voir à travers la ramure la Citroën Traction Avant noire sortir de la cour avec à son bord Mr et Mme B. . Ils tournent à droite vers la gare. Ils avancent lentement sur les vieux pavés tout bossus. Elle apprendra plus tard dans la journée que Mme B. était partie accoucher. 8:00 – il n’y a pas grand monde. Le gardien en uniforme et casquette bleu-marine s’apprête à ouvrir les grilles du jardin public de l’autre côté de la rue. Devant la lourde porte en bois marron de l’immeuble madame H. lave le trottoir à grande eau. Au-dessus dans la rue, à la sortie du virage surgit la camionnette du marchand de glace. 8:01 – Monsieur F. et madame R. sortent de l’immeuble un seau à la main pour aller récupérer leur lot quotidien de glaçons. 8:05 Le 15 mai 1960 à 12:20, rue de la Rotonde – les acacias le long du jardin public sont en fleurs. Sur son balcon au premier étage elle est enivrée par leur fragrance. La fille de Mr et Mme B. revient de l’école, traverse la rue à la sortie du virage. 12:21 – Elle cueille des fleurs d’acacia qu’elle porte à sa bouche. 12:22 – sa mère l’appelle par la fenêtre. 12:23 – Monsieur F. apparait dans une allée du jardin. Il entre dans l’immeuble. Il n’y a plus personne dans la rue. 12:25 . Le 15 octobre 1968 à 17:00, rue de la rotonde – les arbres en couleurs d’automne. Sur son balcon, dans un transat, plaid sur les jambes, elle jouit du spectacle. Le cri des paons accompagne la descente vers la nuit. Une pétarade. C’est la fille de Mr et Mme B. qui rentre du lycée à califourchon sur la vieille BB Peugeot de son copain. 17:01 – Une dauphine et une 403 Peugeot remontent la rue dont le bitume tout beau tout neuf brille. 17:02 – le train venant de Paris et à destination de Narbonne est arrivé depuis cinq minutes. Des piétons pressés chargés de valises envahissent la rue, d’autres les allées du jardin. Le chant des oiseaux, il n’y a plus personne. 17:05 … … … Le 15 janvier 2042 à 4:30 – c’est l’heure la plus supportable de la journée. Le jour se lève sur le jardin privé de Monsieur le Maire, seul lieu où l’arrosage est maintenant permis… pour la sauvegarde des espèces. Elle, n’est plus de ce monde. Ni ses voisins. La fille de Mr et Mme B. est bien vieille à l’abri dans une réserve avec quelques autres irréductibles. L’immeuble ? Il était sur la ligne des remparts dressés pour protéger les dirigeants de la ville.
Un coin de monde plein de vie. Pourtant, la dernière évocation est glaçante (sans mauvais jeu de mot) !
Merci Claudine !
La dernière… pour sortir. Des rêveries du passé. En délirant. et surprise… Le délire est grinçant. J’ai dû lire. Des articles inquiétants. Voir. Des films catastrophe. De SF … qui sait?
Merci de vos lectures attentives et encourageantes
Cette traversée du temps à travers un lieu et les personnes qui l’ont habitées
essentiel ce personnage de la fille qui nous donne l’aisance nécessaire pour suivre facilement le récit
merci Claudine pour ce texte sensible
Cette fille, pétrie avec le levain de ma propre histoire et une farine de fiction, un moyen sympathique de faire surgir des images souvenir. Merci pour ta lecture généreuse