L’homme d’aujourd’hui comme celui d’hier a dans ses gènes cette capacité à trouver de la nourriture en utilisant différents stratagèmes. Selon les saisons, les climats, et les contrées, il devient un chasseur, un pêcheur, un cueilleur. L’écriture de rue, c’est partir l’esprit vide, et trouver le moyen de revenir avec la tête pleine. Voici quelques techniques :
La chasse
Suivez dans la rue un individu, volez-lui son apparence, ses gestes, ses expressions, ses vêtements, sa voix, son rapport aux autres, pistez-le sans relâche, le plus discrètement possible, cela peut-être un gibier de rencontre où une cible définie à l’avance, enregistrez tout ce que vous pouvez. S’il vous repère, fuyez ou faites le mort. Les proies possibles du chasseur :
Les hommes, attention animal dangereux et assez rustre.
Les femmes, attention aux coups de griffes et aux hurlements et très vite elles forment une meute.
Les enfants, très risqués, le troupeau peut vous charger, s’il imagine un danger.
Les anciens, prudence ils sont méfiants et ils appelleront la police s’ils vous soupçonnent de quoi que ce soit.
Les animaux, difficiles à suivre, peuvent offrir de belles surprises.
Restez discret, c’est important pour votre sécurité.
Il est aussi possible de piéger les individus, pour cela, il est possible de prendre des auto-stoppeurs ou de faire du covoiturage, bloqués dans votre véhicule, ils vous raconteront leur vie, et vous aurez le temps de les observer.
Protocole : suivez une proie du matin au soir, écrivez en temps réel ce que vous imaginez de cette vie dont vous ne percevez que quelques instants, remplissez les blancs, cet individu à vécu dix heures, ces dix heures doivent être écrites.
La pêche
Installez-vous sur un banc, à une table de terrasse, près d’une fenêtre, dans un bus, dans un train, assis par terre, attendez, patiemment, ne faites aucun bruit, ne bougez pas, attendez que dans votre esprit un petit bouchon coule. Vous en avez un. Attrapez-le. Ne le lâchez pas. Notez tout. Vous l’avez, il est beau, elle est belle, il ou elle est dans votre carnet et dans votre tête. Toutes les proies sont possibles, mais vous restez en surface.
Protocole : Ecrire, le défilé des marques, les sigles, les objets codifiés, visibles sur les espèces que vous avez sous les yeux. Deux Nikes montantes, mélanges de gris et de noir, se disputent avec une paire de Ray ban bleu devant deux cocas zéros, etc.
La cueillette
Promenez-vous, d’un pas tranquille, l’esprit vide. Le hasard travaille pour vous. Vous allez découvrir le lieu que vous espériez, sous la bonne lumière, des personnages sortis d’un livre se promènent. Regardez leurs ombres au sol, elle est peinte avec de l’encre noire. Vous devrez vous contenter de quelques petites baies, de jolies feuilles, de quelques fleurs. Vous reviendrez avec des croquis, c’est mieux que rien.
Protocole : Notez dans chacune des rues que vous utilisez, une parole entendue, attendez si nécessaire, en respectant l’ordre des répliques, faire un récit, sauver ces mots.
l’écriture de rue comme la photo de rue (et sans autorisation pour publier les clichés)
Mais pas sans risques, Attention Danièle.
« Notez dans chacune des rues que vous utilisez, une parole entendue, attendez si nécessaire, en respectant l’ordre des répliques, faire un récit, sauver ces mots. » Je vais le faire !
oui c’est extra !!!
J’espère pouvoir lire ce récit. Merci Helena, quel courage.
C’est vous qui jouez ?? excellent… et quel humour ce texte, vraiment fabuleux d’avoir prospecté sur ce terrain-là, j’adore aussi la dernière consigne – écriture de plateau au théâtre, mais puisée à même la rue… bravo Laurent, ça donne des ailes !