Première impression. Il ne s’agirait pas de faire fausse route, de mal jauger l’adversaire. La première impression décide de tout. Tu longes la rue Dièse, concave et sourde, martelante, raccordée tout en bas à la rue Bémol, plus en pente et tortueuse. Il va falloir descendre en sol bémol majeur avec ses six bémols pendus aux vitres comme des guirlandes, des bêtes feront entendre les longs accords déliés du praeludium VIII, ambiant frôleur de ronces, austère et sombre, pas un grain de lumière ne filtre à travers le feuillage. Il faut fermer les yeux et écouter. De loin, l’oreille agira sur la ville. Alors, à cette condition, tout se taira : les moteurs, les orques, l’électrique, les cris, les anses des machines, les bateaux-bus, les lances, les marteaux-piqueurs, les ronflements sourds, ronflements forts, les klaxons, téléviseurs, les grues, les mécaniques, les chasseurs, l’ivresse du métal. D’avoir pris soin d’affaiblir la ville, tu t’éveilleras, ce sera la maison à ciel ouvert, il fera jour et des choses vertes en sol bémol se presseront de partout autour de toi, alors nous pourrons nous asseoir, et dormir, dormir dans la rue.
Pas de bémol pour la poésie dans ce beau texte… Merci Françoise
Et si tout le monde affaiblissait un tout petit peu la ville, quel bonheur ! Merci, infiniment pour ce texte !