Je l’ai entendu, elle a dit « à un moment donné ». Elle l’a dit plusieurs fois. Elle était dans sa véhémence. Elle n’a pas dit quand ce moment était donné. Et je me suis demandé, qui l’a donné ce moment. Elle ne l’a pas dit non plus. J’aurais pourtant aimé connaître ce donneur ou cette donneuse de temps. Si elle l’avait dit, j’aurais pu dire merci, pour ce moment donné. Et je suis sorti. Sur le trottoir, j’ai commencé à avoir en tête le Boléro de Ravel. Curieux. A un moment donné, je marchais et tatata tatata ta ta tatatata tatatata tatatatatata, les deux mesures répétées cent-soixante-neuf fois, la caisse claire, la harpe et la flûte traversière qui arrive et tous les cuivres, et le hautbois et le violon et le violoncelle qui donnent leur son, qui suivent le rythme et ça monte dans ma tête et je me demande d’où m’est venu le Boléro, qui me l’ a mis en tête, la voix de la femme se superpose à la musique, je commence à chanter « à un moment donné » à la caisse claire, « à un-mo-ment don-né, à un-mo-ment-un-mo-ment don-né… », je marche et à un moment donné, vraiment, à un moment donné par je ne sais qui, m’est venue une première image, pas tout de suite, j’avais déjà passé la station-service et le kebab, mais j’ai vu le visage de Béjard, souriant, je marchais toujours porté par le boléro, j’avais dix-huit ans, j’étais dans une salle de spectacle, la caisse claire, la trompette, la clarinette, les cors, et le corps de Jorge Donn.
même pas eu le temps de créer la catégorie !
je l’ai fait… il y a tellement de trucs à faire en back office pour que tout tourne…
merci pour le rythme, c’est un peu un boléro qu’on écrit aussi, par petites touches, et ça gonfle, et ça pousse…
ouais c’est un peu l’usine à gaz encore, mais ça devrait tenir