L’attente c’était son truc, elle savait y faire, à l’heure où nous aurions du partir elle entamait une savante séance de maquillage, Je ne suis pas prête, on savait qu’il n’y avait rien à dire rien à faire ça ne ferait que l’agacer davantage nous n’avions plus qu’à attendre encore, l’impatience gagnait les corps, les mains tapotaient nerveusement les cuisses, un chambranle, les dents se serraient, dans un soupir il tentait d’attirer son attention, regardait sa montre comme un rappel à l’ordre mais il le savait jamais nous ne partirions à l’heure il le savait mais tentait quand même — à se demander si ce n’était pas un jeu entre eux parfaitement rodé, on attendait toujours, partout nous arrivions les derniers, partout on nous attendait, c’était son truc se faire attendre, une chef d’orchestre de l’attente, surtout qu’au retard pris au départ s’ajoutaient souvent quelques embouteillages, des ralentissements, c’était parfois une heure de route, à l’arrière des voitures chercher la complice de cette attente, une gamine comme toi avec qui échanger un sourire qui suivrait avec toi l’écoulement d’une goutte sur la vitre, compterait combien de voitures blanches, on en voit plus beaucoup des voitures blanches, elle chantonnerait le même air diffusé par la radio, ça c’était un des meilleurs trucs pour tromper l’attente — chantonner, mais elle finirait par t’abandonner dans cette maudite file du milieu qui se refuse à bouger, il a beau pianoter nerveusement sur le volant ça ne fait pas avancer, alors tu trouves une autre famille à observer la nuque raidie du conducteur les mains volubiles de la mère les grimaces du petit à l’arrière puis ce sentiment de victoire quand finalement tu retrouves la gamine, la dépasses à ton tour, et l’entrée dans Paris, des noms de maréchaux, le métro aérien qu’on dépasse, l’espoir d’arriver bientôt, ça ne change rien au retard mais c’est une telle satisfaction d’arriver enfin, on encaissera les reproches, elle en riant peut-être même qu’elle lèvera les yeux au ciel, lui haussera les épaules en soulevant les bras les paumes ouvertes d’impuissance toi tu te mordilleras les lèvres, à l’œuvre déjà ta précision d’horlogère.
On a tous plus ou moins vécu ça mais tu le racontes si bien !
Ah ces souvenirs de départ qui sont autant d’attentes. Et compter les voitures blanches… chantonner pianoter … Et cette histoire que tu prolonges, ta mémoire vive qui nous entraine
Xavier, Nathalie, je crois que je viens de saisir une chose, la vitalité trouvée dans ce texte, elle vient de là vraiment, de ce temps là, des celles et ceux là qui me donnent le souffle
quel beau point de vue, quelle belle idée… et c’est pris sur le vif, c’est du vécu, ça fonctionne à plein
franchement chouette, ce texte
ils sont chouettes à écrire ces textes qu’on laisse couler
La séance maquillage je m’en souviens comme si c’était hier, elle intervenait après un long après-midi de ménage, suivi d’une douche. Et je revois les volutes de fumée de sa cigarette qui se consumait dans le cendrier s’envoler vers le plafond au ralenti. C’est dire comme l’attente était longue. Le temps ralenti. On finissait par sortir en ville et lui donner rendez-vous dans un café !
mon éclat de rire du matin, merci
Quelle justesse dans l’évocation !
Merci Caroline pour ce moment drôle !
Merci, Fil, toujours la surprise de ce que font ressurgir les consignes, m’attendait pas à cette légèreté
hello Caroline, faire attendre les autres, voilà la sublime parade contre l’attente, joie de te lire, texte si vivant et plein de charme
hello Catherine, j’aime bien ce hello il sonne comme la promesse d’un petit café à Ledru Rollin… merci, faut que je vienne me balader dans tes textes (le temps de rien avec le travail)
Comme je me vois moi même en « précision d’horlogère » (magnifique expression), je souscris les réactions des « attendants », tout en adorant ton texte !