No murder. Cela fait presque deux heures. No murder. La pluie forte épouvantable. A fait gonflé le fleuve. Presque deux heures, ou peut-être plus, nos yeux plantés sur l’horloge ont brouillé les aiguilles, les chiffres rentrés dans le grès, les horloges plates fixent sans voir, nos appels, et le silence immense, train supprimé, tous les trains, supprimés n’opèrent plus. No murder. Cinq heures dans les corps, les masques blancs, les paupières fixes, gouttelettes de sueur, pupilles suintantes, nous regardons, paumes ouvertes, énervement dans les genoux, on le voit les genoux, nous sommes entassés sur le quai. L’immense hall de la station, est un bateau renversé, nous sommes des centaines, impossible de remonter les escaliers, le quai fait coffre-fort. Les pains au chocolat sur les stands. On s’est tous appuyés contre les vitres des distributeurs – le dos ne tient pas. La pluie diluvienne. Les gens par terre, on voit les nuques penchées, le tee-shirt, l’étiquette longtemps, fixée par lents degrés d’attente, l’étiquette et le temps, d’autres gens accrochés aux rampes, les yeux plantés dans un film, longtemps défile sur le portable. Des effluves souterraines sortent du tunnel au bout du quai. Nous sommes confusément tristes, détériorés. La pluie forte, épouvantable. Bourrasque dans le tunnel. Les gens au sol, assis sur les sacs. Une femme s’éloigne hors de la foule pour fumer, loin sur le quai qui n’est plus abrité. On la voit, on la suit du regard, on se penche avec elle, elle allume la cigarette, le déclic du briquet, sa tête émet des volutes, le feu dans la pluie, elle se prend des bourrasques de pluie dans la tête. Cheveux par-delà le béton. Les livres tombent des mains. Des sifflements de gosse, certains dansent debout en mode immobile dans la tête. Le RER s’est enlisé dans un lac. On ne pourra pas rentrer. On attendra jusqu’au soir, on ne sait plus. Le casque sur les oreilles, on écoute on écoute, on n’a plus qu’un seul oeil dans l’écoute, l’attente enlisée dans un lac, le long temps qu’ils parviennent à aspirer les tonnes d’eau. La nuit tombe sur le quai, la nuit tombe aux horloges, les stands imprécis sur le quai, on se redresse – l’aujourd’hui sanctifié. No murder.
On vit cette attente avec vous, images, sons, tout bouge et s’enlise, mais tout reste là, compact et oppressant. La femme à la cigarette est splendide ! Merci, Françoise !
Vous mettez tous les sens à contribution dans cette scène de dévastation, très fort.
« On la voit, on la suit du regard, on se penche avec elle, elle allume la cigarette, le déclic du briquet, sa tête émet des volutes, le feu dans la pluie, elle se prend des bourrasques de pluie dans la tête. Cheveux par-delà le béton. « merci Françoise ton texte est fort.