Avril. Attentes prolongées et successives aux urgences hospitalières. Bien-sûr, je pourrai écrire sur cela ; c’est vif et tout chaud de sensations et de souvenirs. Un enclos temporel qui nous projette d’un grand coup de pied loin de toutes nos somnolences routinières. Mais cette attente n’a que très peu de mots qui puissent la définir : angoisse, gros poids sur le cœur, alarme. Bien-sûr il y a la salle blanche, les sièges inconfortables, la pendule murale qui sursaute à chaque minute, la voix haut-parleur qui entre en scène après un intervalle en tierce mineure pour s’entêter à prononcer le nom des autres, les visages fermés et las, d’autres pas tant que cela, les regards qui ne décrochent pas du téléphone, les hirondelles de l’autre côté de la fenêtre qui construisent frénétiquement leurs nids sous le préau de béton. Mais ça, c’est le décor, les faits-divers qui peuvent parfois distraire de l’essentiel, mais qui ne le gomment pas. L’attente, c’est attendre, car on ne peut rien faire d’autre, on est ligoté au moment présent avec le cœur qui craint de basculer dans l’avenir. Ne pas bouger, au cas où on nous appellerait juste au moment de l’absence, fixer des yeux la porte interdite, essayer de regarder à l’intérieur quand elle s’ouvre pour laisser passer des tas de gens dans leur routines, indifférents, tranquilles, dans un monde qui pour eux n’a pas bougé. Attendre, c’est rester, subir, endurer, attendre, ô miracle, c’est la passivité dans toute sa splendeur, s’abandonner au chaos, murer ses pas pour ne pas trébucher et trébucher quand arrive le corps monotone du verdict que l’on accepte en silence.
Cela paraissait facile, et pourtant… J’ai même essayé d’écrire un guide pratique pour combler l’attente et aussi toute la série de pièges dans lesquels l’attente peut se laisser embourber, etc., etc.
C’est beau, Helena, j’aime beaucoup. Tes mots sont plein de poésie. Merci.
Oh, merci, Jean-Luc ! J’aimerais être parfois plus rude, mais pour cela il faudrait que j’incarne un personnage que je ne suis pas.
Oui, Helena, l’attente c’est la passivité, mais très pleine de mouvements de l’âme et du corps.
Un grand merci pour ton beau texte, qui me fait remuer intérieurement.
Merci, Fil ! Contente que le texte t’ait plu. J’ai trouvé difficile de m’accrocher à la consigne.
Oui attendre cette emprise là. Tellement touchée.
Merci, chère Nathalie !
parfaitement ça – bravo ! (trébucher, hein et ce silence…) (vazy trop bien)
Merci, Piero ! Cela aide drôlement à continuer !
Juste et beau, les attentes anxieuses et même en attendant du meilleur, on peut être pareillement fébrile souffrir tout autant
Oui, Catherine, tout à fait ! Merci infiniment pour ton retour !
revenir vers tes hirondelles
et trébucher dans ton silence, avec toi,
attendre n’est pas forcément la passivité, tu sais bien que tout vibre en nous en permanence et nous contraint à l’observation, mais c’est le poids de l’annonce à l’issue de l’attente qui fait basculer dans le vide
avec toi Helena
Oui, Françoise, c’est ce poids, qui coupe tous les ponts et qui nous fait toujours revenir au point où rien ne bouge. Écrire à ce rythme journalier c’est un peu comme lancer une échelle, essayer d’y monter et tomber quand l’un des barreaux est peu solide. Rafistoler le barreau et continuer. Merci de ta lecture attentive et lucide ! Tes commentaires sont précieux !