L’homme se souvient. Il se faufile dans une ruelle étroite, montre la lettre à un type qui le laisse passer puis entre dans la salle. Un second type lui désigne une chaise où s’asseoir : attendez. Il attend. Ça ressemble à une arrière-salle de restaurant, mais sans fenêtres, un lieu clos avec des tables, des chaises, des murs jaunis par la fumée, ça sent le renfermé, la transpiration refroidie, l’ennui. L’homme reste assis sur sa chaise, la seule qui n’est pas placée derrière une table, une chaise seule face au U d’un dispositif où il semble tenir la place du témoin dans un procès. Cela ressemble à une salle de tribunal, un mélange de tribunal et de bistrot. L’homme est assis et il attend. La lumière est trop vive – des néons – pour qu’on se croie véritablement au bistrot, c’est peut-être un commissariat, l’homme ne sait pas, on lui a dit de venir là et il est venu là, c’est tout. Il n’y a personne d’autre que lui, pour l’instant, mais il entend des voix, des murmures, derrière lui, et ils entrent, les uns après les autres, et dès qu’ils sont entrés, fini les murmures, ils sont empreints de gravité, les visages gris, raides, humbles, ils se tassent, se redressent, semblent pris d’une honte soudaine, puis chacun s’assied à sa place, s’installe, s’occupe, l’un lisant un journal, un autre écrivant des choses dans un petit carnet, d’autres ne faisant rien, mais levant parfois la tête pour le dévisager. Aucun ne lui a adressé la parole. Ils attendent. Un néon grésille, une mouche vole, les pages du journal se tournent. Ils attendent. Ils ont tous un peu la même tête, ce sont tous des hommes de son âge, la petite quarantaine, des hommes éteints, comme lui, et ils attendent.
Saisissant. On attend une chute, une révélation peut-être, et la suspension finale donne toute sa force glaçante à ce récit. Merci Vincent.
Terrible ! Quelle ambiance ! La pure attente.
Quelque chose de beckettien…
Merci !