Ce n’est pas rien de passer la frontière une nuit d’été. Les autocars par dizaines se rassemblent, venus de toute l’Europe. Plaques allemandes, françaises, bulgares, turques, belges, roumaines, grecques, néerlandaises, tchèques et, plus lointaines encore, danoises, finlandaises, norvégiennes. C’est tout un continent tassé dans des autocars aux coffres pleins de valises et de paquets mal ficelés qui attend l’autorisation de passage, la levée de barrière. Les douaniers ont leur réputation que les habitués du trajet commentent. Les Autrichiens te laissent passer pour un pack de 6 bières, les Allemands faut leur sourire, les Français n’aiment pas la prune sans timbre fiscal. Les Hongrois c’est autre chose, tout à fait autre chose maintenant qu’ils gardent les portes de l’Union. On les voit là-bas, dans leurs uniformes gris, qui inspectent les bas de caisses, chamboulent les coffres, défont les tendeurs des galeries. Le chauffeur prend le micro. Attente estimée : 2 heures. Préparez quand même vos passeports. Il ouvre les portes du car. Les corps à l’étroit se déplient, les briquets s’échangent. La nuit de la frontière est jaunie par les lampadaires. Ça sent le gasoil et le bitume amolli libère la chaleur emmagasinée le jour. Les genoux craquent – quatre heures depuis la dernière pause. On se dégourdit les jambes entre un car slovaque et une fourgonnette suisse. Sur les bas-côtés, dans les buissons, à distance des barbelés électrifiés des hommes pissent. Vu du ciel ce rassemblement est une anomalie – une tache claire dans la plaine noire. Vu du ciel ce doit être un jeu de gosse qui a étalé sur le tapis ses petites voitures et ses petits soldats. Vu du sol c’est interminable.
On y est complètement. Ouic’est long mais ça fait du bien de se dégourdir un peu les jambes. Merci Xavier
vu du ciel ou vu du sol le temps n’a plus la même valeur . Merci Xavier
on est bien chez toi, aussi dans la continuité de ces voyages retours exténuants
du coup se raniment en moi des souvenirs de passages de frontière
jamais franchi des frontières par la route, mais ton texte réveille un souvenir pas confortable, l’arrivée à San Francisco et la douane hostile, se sentir fautif malgré soi
Chacun ses souvenirs de passage compliqué de frontière. Moi c’est celle entre l’Argentine et la Bolivie. J’avais oublié. Merci Xavier
Comme l’attente peut être douloureuse !
Merci pour ce texte si réaliste.
Une et toutes à la fois, la lenteur du voyage quand l’homme s’en mêle, j’aime l’image de l’enfant à ses jeux, et de l’adulte à ses problèmes,