Arriver en avance. S’arrêter côté droit, presque au milieu de son arche unique d’une bonne soixantaine de mètres pour vingt de large. S’adosser au parapet d’acier et de gros boulons. Nappes grises de la peinture antirouille. Interrompre là ce mouvement de passage pour traverser d’une rive l’autre. Se placer volontairement en retrait du flux. Attendre. Ils traînent pas les derniers passants au retour d’un spectacle. Ce vent froid qui surfe sur le fleuve, s’engouffre, entre les rangées d’immeubles, se comprime et gifle tout ce qui passe sur ce pont. Ombres emmitouflées de sombre, visages masqués d’une écharpe ou enfoncés dans le col de la veste plus ou moins chaude. Trop froid pour ne pas être indifférent : regards droit devant. Ne me voient pas ou préfèrent ne pas me voir, un peu décalé, louche, sur le côté. Au-dessous, dans le sens du courant, noir et de fer, le tumulte des eaux en ce soir d’automne. Pareil quand elle, l’an passé, exactement à ma place d’aujourd’hui. C’est l’heure. Savoir qu’elle ne viendra pas. C’est l’heure. Jeter le bouquet de roses blanches vers sa nuit, vers les flots, par-dessus le parapet.
Attendre celle qui ne viendra pas, merci pour ce texte Jérôme.