Que l’on arrive de la gare ou que l’on rentre de la messe, côté paroisse de la Trinité, il fallait de toutes les façons descendre, descendre encore, des ruelles escarpées parfois avec des escaliers pour couper la pente, il y en avait une qui s’appelait rue du Tire Jarret dont on comprenait son nom dans l’autre sens. Arrivé au bord de la rivière, on longe le château et au détour d’un virage une porte, un dernier regard sur la vallée, l’énorme buisson de ronces qui montait le long du parapet, entrelac rebelle sur lequel, en saison, on pouvait se noircir les mains avec le jus des mûres attrapées en s’étirant jusqu’à la limite de la chute qui aurait été piquante pour le moins. Donc une porte derrière laquelle on s’enfonçait dans un sous-bois avec une sente qui nous indiquait la voie. Toujours des bruits allant avec le décor qui selon l’heure pouvaient donner l’envie de courir afin de dépasser le plus vite possible cette portion. La rivière qui accompagne, quelques kayaks parfois, les prés qui annoncent la ferme d’en bas qui déjà se profile à l’horizon, retrouver un chemin plus large où circulent des tracteurs, les vaches qui meuglent déjà rentrées dans l’étable et qui attendent la traite, l’auge à cochons et le chemin déjà se rétrécie et des arbres ombragent la sente qui s’amenuise à devenir un filet, les orties qui cherchent vos mollets nus, les hautes herbes qui abritent des vipères. Un vieux mur de pierre repère l’endroit où il faut remonter en le suivant jusqu’au haut portail en bois avec sa peinture verte qui s’écaille. On pousse le vantail de droite, jamais fermé, sans serrure ni loquet et là, on lâche tout l’air de nos peurs retenues.
On s’éloigne de la gare vers une radicalité du paysage, j’aime ce retour,