Je me suis dirigé vers la terrasse (provisoire) pour prendre l’air. À gauche, le Casino, une construction blanche et massive. Devant le cèdre à la taille terrifiante bien avant d’entrevoir très léger, immatériel, le bruissement des platanes centenaires qui bordent le lac; le parc me rappelait une escapade amoureuse ici même dans les jardins de l’Impérial, ignorant tout alors du festival d’Annecy. De l’intérieur du barnum je me dirige vers la sortie par un jeu de pistes sur moquette qui contourne les studios, les entreprises spécialisées, le coin des écoles. Aux bords des allées, très lisibles, les noms des sociétés et ceux des organismes centres nationaux. Je jette un dernier coup d’œil aux figures amis derrière leur pavillon; j’ai fini tous mes rendez-vous du marché. Je sors du monde des films et des séries d’animation. Le lac se ressent partout — Les montagnes… le lac… le lac… avant d’être visible de toute part comme une invite à la promenade. Je laisse les bus du festival, et je m’engage sur le chemin blanc qui contourne la volière puis tout le parc en longeant le mini-golf. Devant les eaux plates à perte de vue. Je caresse des yeux le sable à travers les reflets de faible profondeur. Je pourrais rester là des heures à contempler la quiétude de l’eau. Je gagne la promenade du Docteur Paul Louis Servettaz. Murmure des jets d’eau en passant devant des pelouses vertes soigneusement taillées à l’anglaise,. La promenade longe le lac, et à côté parallèle, on suit l’avenue d’Albigny, bordée de platanes, les feuillages […] nous offrent leur ombre. Une piste cyclable apparaît. Annecy se dessine, les murmures lointains de canots à moteur, les cris et les rires des gens. Les immeubles de l’autre côté de la route ne me préoccupent pas. Le lac tout entier berce les masses montagneuses et le ciel en miroir, hypnotique. Contourner par les petites localités au bord de l’eau : Veyrier, Chavoire, Saint-Jorioz, Sévrier. Une étendue verte devient évidente, prolongement herbeux des eaux sur la terre. Je laisse la base nautique et les rives du lac pour continuer tout droit, le parc vert se substitue à la pellicule bleue du lac. Je traverse la route pour rejoindre Bonlieu, pas le temps de voir un film, un dernier clin d’oeil à la librairie du festival pour tout ce qu’elle a d’introuvable ailleurs. En sortant je reprends l’avenue d’Albigny sur le trottoir de gauche, celui qui longe le grand canal du Vassé jusqu’aux jardins de la préfecture. Ma voiture est garée à côté.
Avant de partir, inquiet, j’ai regardé une dernière fois les lumières, celles de Veyrier juste en face, la masse sombre de La Tournette à l’horizon, devant nous. J’ai plissé les yeux pour apercevoir le passage du funiculaire. Mais non. Nous en étions trop éloignés.
Extraits : Villa Triste de Patrick Modiano, éditions Gallimard 1975
Merci pour cette promenade