Heureuse de quitter la ville pour retrouver la maison d’enfance ( l’une d’elles) – Des indices à prendre en compte – un périple en fait, il part à reculons du Fort de Vaise jusqu’à d’autres points d’amarrage précis, pour reconstruire une ou plusieurs histoires. Une seule maison ne suffit pas, un seul trajet non plus. Il suffit de prendre une carte ou d’interroger un GPS pour tracer la route des retours qui comptent. Mais ce n’est pas cela qui l’intéresse. Rien n’est oublié, la persistance des indices est troublante, ils sont intacts, elle va s’en servir. Ils attendent leur légende. Il n’est pas certain que ça intéresse quelqu’un d’autre qu’elle. Ce serait comme un carnet de voyage. Elle va quand même essayer de rédiger quelque chose, quitte à tout effacer si ça ne donne rien de plus lisible. Tout attendra les bienfaits supposés d’une grosse nuit de sommeil. Le point de départ onirique est ici évident.
L’enfant est traîné par le bras, il résiste… il est rare qu’il accepte spontanément de suivre l’adulte tutélaire ou un grand frère, la grande soeur, pour aller ailleurs qu’ici. C’est un lieu familier, un lieu où les repères et les rituels sont en place, un lieu où retrouver des objets et les cacher semble possible, un lieu « investi », un territoire qui donne le goût de revenir, dans le meilleur des cas. Il y a toujours des trésors cachés dans une chambre d’enfant qui circule d’un chez soi à l’autre. Les dénicher délibérément est une preuve de violence. L’enfant dit souvent « à la maison » même s’ielle habite dans un immeuble, parfois c’est chez papa, chez maman, dans les configurations familiales nouvelles, avec ses recompositions.Les trajets se compliquent, certains sont simples, d’autres sont fastidieux, « chez eux » à tour de rôle, l’importance de la « chambre à soi », de la cohabitation plurielle et parfois conflictuelle. Retrouver « sa » chambre pour pouvoir pleurer, être tranquille, montrer qu’on existe pour de vrai dans le décor intermittent qu’on l’aime et veut le garder. Les grands disent que ça se passe mieux qu’au début, ielle « a trouvé ses marques », mais des changements sont à prévoir. Terreur des déménagements et des ruptures de liens qui transforment les circuits en voyages anxiogènes. Quand ça se passe bien, l’enfant fait circuler des objets, des petites voitures, des poupées, à habiller et déshabiller, des jeux pas trop chers, des doudous voyageurs, des bricoles, il ne faut pas attirer l’attention des grands sur ces mouvements migratoires qui ont leur fonction de réassurance parfois dénigrées par des parents trop clivants. ,
Retour dans le Sud où elle a grandi de 3 à 17 ans – Paris après – L’exil volontaire – Le cauchemar de la vie pauvre sous les toits de chambre de bonne – Vie étudiante – Métro poisseux – Ligne Pont de Sèvres – Montreuil – Arrêt Ranelagh au début chez une logeuse qui n’autorisait pas de faire la cuisine chez elle – Juste une piaule vieillotte et l’accès réglementé à la salle de bains – tenu deux mois – puis porte à porte pour trouver une chambre chez des bourgeois Avenue Georges V – au culot – ça marche ! Mr et Mme H. lui ancien relieur – ils ont quelque chose en haut – eau froide lavabo wc à la turque sur le palier -moins cher que chez la marchande de sommeil- ça lui va – parents inquiets mais elle tient neuf mois – grèves comprises – avec un abonnement RATTP et quelques tickets de Restau U… Le reste c’est l’aventure les cours sont passionnants.
Retour dans le Sud en été – Train direct jusqu’à Montélimar mais parents préfèrent Pierrelatte. Retour dans la nuit , les routes au milieu de la garrigue – les villages morts , peu éclairés – Où sont les gens ? Des couche-tôt des lève-tôt – On compare les Ardéchois aux Ecossais – rétifs à l’accueil d’étrangers dans leur maison – les guerres de religion et l’occupation allemande ont laissé des séquelles.Mais le Tourisme est juteux, et les populations changent, plus modernes, plus branchées. En journée, sur les bords de route, sur le marché provençal, on peut acheter des pêches au cageot. Et là, c’est le nectar qui vous dégouline dans la gorge et se répand sur vos doigts. Parfois un pince-oreille au milieu, mais ça c’était avant. Impossible de résister. Elle jette le noyau pour espérer planter un pêcher, sur le goudron c’est raté.
» Ne pas manger de pêche en été est un péché ! » dit la pub.
Toujours aimé ces heurtoirs féminins sur le bois des portes. Les portes de village sont aussi des étapes de retour à la maison. Ici dans son enfance, elle sait qu’un tel qu’une telle, une famille déjà anciennement implantée se trouve là, derrière. Souvent une mère au foyer , celle qu’on voit aussi dans les files d’attente à la Boulangerie – pâtisserie (2), Boucherie -charcuterie (3) – Pharmacie (2) -Buraliste (1)- Marchand de journaux (1) Droguerie (1) Quinquaillerie (1) Magasin d’électricité (1 ) Marchand d’Habits (1 ) Couturière (2) Marchande de chaussures (1) – Marchande de babioleries , de jouets et de maillots de bain ( Pas d’ici Parisienne 1) – Poste et Télécommunicaiton (1). L’Artisanat se trouve à la périphérie- Le Docteur et le Notaire au milieu – Le Temple et l’Eglise à l’opposé l’un de l’autre – Un village en pente douce qui s’écoule à l’arrière d’un petit bourd médiéval. Des commerces ont disparu , d’autres ont fleuri. Toute une rue transformée en galerie marchande d’inspiration côte d’azur. Toutes les familles prospères ont renforcé leur patrimoine. Les notables sont moins voyants aujourd’hui. La tendance est à gauche même si l’économie libérale n’a pas manqué de contaminer les esprits les plus entreprenants. Le nombre de restaus et d’estancos à tambouille explose entre Juin et Septembre. Le nombre de restaus l’hiver se compte sur deux doigts de la main. C’est là que le Retour est le plus intime, le plus convoité…
On ne va pas se répéter…
Si souvent à l’église pendant l’enfance, dédiée à St Saturnin qui n’était pour eux, les minots, qu’un caneton jaune un peu trop bavard. Les peintures et le christ en croix, le bénitier, le confessionnal en deux exemplaires, les memento mori en marbre avec des noms gravés, l’ancien hôtel relégué au fond, les deux portes du presbytère, l’harmonium, l’entrée d’accès à l’escalier étroit du clocher, les dorures un peu trop dorées, tout incitait au silence et à la trouille, celle des chaises qui raclent fort et des candélabres noirs debout dans un coin, le porte cercueil rangé comme une charrette prémonitoire. On enre à plusieurs et on sort vite. La maison n’est pas loin . Derrière la grosse bâtisse de pierres , la Mairie à sirènes, en contrebas. En passant, la maison d’Evaristo, le peintre d’origine espagnole qui a transformé son garage en Galerie d’Art, il pousse un peu ses oeuvres pour y ranger sa 2 CV. Elle se souvient de lui comme s’il était encore là… avec sa femme Incarna debout en haut des escaliers à côté des rosiers…
Rue des écoles, elle a changé de nom. Le laîque et le privé ( St Joseph) se sont toujours disputé la clientèle dans ce village aux mentalités vigilantes.
Les clés sont passées d’une génération à une autre. C’était le voeu paternel. Exaucé.
L’enfant dit : c’est la maison famillale. Presque un décret. De fait, le retour est acté.
EVARISTO, ( Matias Estivill Montane, dit )
né le 24 juin 1923 à Torre del Espagnol, Tarragone, Espagne ; gardien de chèvres ; 1939, fuit la guerre civile pour la France ; 1940, interné à Bergerac en tant que sujet étranger ; 1941, prisonnier des Allemands, s’évade ; 1945, s’installe dans les environs de Lyon, commence à peindre en copiant au Musée des Beaux-arts ; 1956, s’installe à Vallon-Pont d’Arc, Ardèche ; atteint de la maladie d’Alzheimer ; 2009, meurt brutalement le 6 mai.
Le Rocher de Sampzon , après le pont portant le même nom a été dessiné et peint par Evaristo, au lever comme au coucher de soleil , à l’instar de Cézanne, c’était sa Ste Victoire.
beaucoup de pistes beaucoup de choix l’embarras du choix existe t’il quelque part ou ici un un atelier spécial pour apprendre à renoncer à tous ces choix, et un autre pour être certain, certaine qu’il est le bon, sinon reste l’histoire du nœud Gordien et trancher net comme pour le cou des poulets. mais existe t’il un atelier pour trancher le cou des poulets sans bavure… et là arrive Beckett et ses personnages; quand est ce qu’on va naitre quand est ce que ça commence quand est ce que ça finit. ( humour bien sur mais pas que )
Patrick, jusqu’ici tout va bien ,personnellement, je joue aux encastrements de paysages et de souvenirs, je me sens poupée russe en écriture, ça prend peut-être moins de place et je cache mes choix en dedans. La dernière poupée est celle qui ne s’ouvre pas. Comprenne qui pourra… J’ai l’impression que vous ne voulez pas dire, et que c’est ça qui bloque le processus de simplification de l’écriture, je dis là, forcément une grosse bêtise, par projection excessive de mon propre projet d’expression écrite. Je tâtonne encore beaucoup alors que les sujets d’écriture m’apparaissent clairs et partageables. Après, c’est une question de persévérance ou de renoncement. Le jeu est encore ouvert. Le collectif ne me gêne pas pour progresser. Beckett (encore un !] n’est pas ma tasse de thé. Je suis parasitée par son histoire maternelle, je le plains plus que je ne le lis, à l’exception de quelques fulgurances où la joie a pu un peu pointer son nez… Oh ! Les beaux jours ! Madeleine et sa petite ombrelle, son petit chapeau et son optimisme au milieu des grains de sable… En attendant Godot m’a fait du rire jaune, mais je salue la drôlerie dans le désespoir… Là encore il y a à boire et à changer… Vous voyez, je dérape… Les mots sont casse-gueule parfois.
Toutes ces déambulations incroyables, si tangibles dans le corps, ce saisissement qui me ramène à l’enfance, le paradis-sud que j’aurais adoré parcourir, c’est un tel phénomène ce sud, les fruits qu’on déguste encore au détour de vos mots. A quand le roman ?? Et ce Paris rough, rude, hostile, où l’on survit quand même… Merci Marie-Thérèse, et aussi pour tous vos mots si éclairants, votre enthousiasme élévateur (comme une composition de Meredith Monk… « Escalator over the hill » )
Merci Françoise pour ce retour chaleureux. Si l’écriture sert à quelque chose, c’est sans doute à recevoir des réactions comme la votre qui permettent de percevoir l’impact de ce qu’on cherche à dire dans une forme perfectible. Bien sûr, le roman, j’y pense depuis longtemps. Je n’étais pas prête jusqu’ici, mais comme toute plante à cultiver, un livre nécessite qu’il y ait de quoi le nourrir avec les meilleurs éléments dont le prélévement est long et fastidieux. Je ne vous apprends rien certainement. Je réfléchis plus sur la forme que sur le fond en ce moment. Merci encore.