En sortant du métro, c’est le bruit de la place qui me saisit. Je sors là, plutôt que de prendre une correspondance, et je monte. Il faut prendre les larges escaliers aux marches abîmées. Une première terrasse est pleine de voix et de bières, de cocktails et de rires de quelques tournées déjà. La rue pavée est animée, pas trop de viande soule encore. Les restaurants sont pleins, une petite queue devant le faiseur de hamburgers, assis sur une bite en béton, un petit dealer de fumette aux lunettes fumées. À angle droit, de nouveaux escaliers, de nouvelles terrasses. Les murs renvoient les voix, les rires se répondent tout en s’ignorant. Je traverse le début de la nuit des autres. Les marches sont basses, larges, presque une rampe plutôt que des escaliers. D’ailleurs des vélos descendent, lentement entre les tables et les piétons, pénétrant la densité des corps proches et joyeux. Je monte encore. De l’épicerie tenue par le Tunisien sortent des groupes qui sont allé y acheter des bières à des prix plus accessibles. Ils se posent dans le jardin que je traverse, sur les pelouses, contre les arbres. Une paire de guitares attire quelques humains accompagnés de chien. Les bancs sont occupés, les poubelles déjà pleines. La dernière montée est la plus raide. Je la monte vite, comme un cycliste dans un col. Devant la pizzeria quelques fauteuils pliants, bas, donnent un air de vacances, comme le palmier dessiné sur la pancarte. Dans le dernier virage, les trottoirs sont pleins, ce soir, il y a concert au Farmer. Encore quelques mètres et j’arrive sur le plat. Dernière terrasse, plus jeune, très bruyante, les cris sont stridents. L’alcool agit différemment sur les jeunes corps qui poussent dans les aigus. Le son des basses de la techno rythme mes pas. Je suis content de rentrer, j’arrive. Je prends ma rue, tout dernier et court raidillon. J’ouvre la vieille porte de l’immeuble où les rats peuvent entrer sans s’aplatir, tellement elle est ajourée. Je monte les marches, usées. En haut des escaliers, elle sera là. Couchée ou pas, après la porte en vieux bois vernis, elle sera là.
en suivant le fleuve, Jean Rolin n’a pas eu le droit à l’influence des pentes sur la littérature !
C’est beau cette montée alègre sans trop d’efforts apparents 🙂
(En descendant montez donc)
Bien campée cette raide côte, le piéton tiré par les terrasses et les musiques, un charme fou.