vingt-huit juin
ça a peut-être toujours été la frontière et toujours l’idée qu’il s’agissait d’un retour qui a permis de ne pas en faire des caisses ou des tonnes sur le moment, c’est bien possible en tout cas je ne me souviens de rien : il a bien fallu pourtant qu’on l’emprunte cette route qui va du théâtre romain à l’aéroport, ça ne se peut pas sinon – je me souviens d’un peu tout ensuite à partir de Nice Côte d’Azur – le retour au pays – mais non, ce n’était pas un retour, un patriement sans doute, il aurait fallu savoir que ce serait presque pour toujours – on rentrera dans le dur quand il faudra se souvenir que cette villa, on la laisse là et qu’elle ne nous appartient plus – on n’y entrera plus jamais comme dans un moulin, grille de fer forgé peinte en bleu ciel ou pas, tessons de bouteilles sur le mur du fond du jardin, scorpions millepattes et autres joyeusetés en blattes ou scarabées – il faudra s’habituer au froid – on s’en fout pour le moment, il fait chaud beau il est tôt certainement qui nous emmène ? dans quelle voiture ? avec quelles valises ? il y aura le cadre, aujourd’hui on dit conteneur (mais à Paris, en 76, deux mois durant quai de Tolbiac quai de la Gare, je n’ai pas cessé du matin au soir pour un smic dont j’ai oublié le montant de compter repérer noter par leurs numéros les cadres pour la CNC (compagnie nationale des cadres) – qui était une filiale de la SCETA (société de contrôle et d’exploitation des transports auxiliaires, elle même filiale de la société nationale des chemins de fer que je ne te traduis pas en acronyme) mais c’est seize ans plus tard) (le train très longtemps m’a accompagné – sans doute pour en extraire la symbolique qui elle aussi fait partie de ce dur dont il faudra bien parler – il faudra s’habituer au fait d’avoir été chassé (mais non) comme des malpropres (sans doute pas) qui ne suivent pas le rite obligatoire (E. ne dirait pas ça) qui n’ont ni les bonnes mœurs ni la bonne carte d’identité ni la bonne langue – à l’école (le lycée du haut de la colline, juste derrière le palais) on apprenait (comme je vais le faire bientôt) à écrire et parler le dialecte local pourtant (à l’institut national des langues et civilisations orientales) – on commençait à l’écrire par la droite en haut de la feuille, ce qui a une sorte de relation avec le fait de conduire à droite de la route – ou peut-être pas – dans le dur, oui, la guerre d’indépendance, la pacification, les événements ce genre de goules ou de striges – dans le dur aussi, ailleurs aussi, comme sa maladie à lui (ailleurs et là-bas) ailleurs encore, lui qui sait que ce soir-là, il ira à Orly Peugeot quatre-cent-trois bleu nuit – l’âge de raison – mais non, rien, il ne reste rien de ce trajet ni même de ce matin-là, tôt le matin sûrement, l’Aouina et le super-constellation, non, tu vois, rien de la misère
Du rythme et à coups, pour un retour qui est un départ, vibrant.
Je ne commente pas chacun de tes textes mais ce que tu poursuis et creuses depuis le début de cet atelier est essentiel.