#40jours #17 | self-made women

Elle a fait ça pour son père. Il fallait l’entendre aux repas de famille, il ne parlait que d’elle: sa petite fille qui réussissait comme un garçon que le ciel avait refusé de lui offrir. Avocat! vous rendez vous compte? Alors pour réparer cette injustice elle a travaillé dur, appris, persévéré, brillé, tracé une croix sur sa vie privée. Son rêve à elle: une maison remplie de rires d’enfants. Elle ne lui a jamais dit de peur de le décevoir. Le soir elle quitte sa toge pour son appartement vide. 

L’homme est assis dans un grand fauteuil de cuir de l’autre côté du bureau. Votre CV est impressionnant mademoiselle, Que font vos parents? Elle signe juste au-dessous du salaire. Chiffre un suivi de quatre zéros. Jamais elle n’aurait espéré autant. Dans le couloir, elle croise un autre candidat, son futur collègue. Même poste. Même responsabilités.  Salaire à cinq chiffres. Sans zéros. L’homme ne lui parlera pas de ses parents. Dans le métro, elle compte sur ses doigts:  trois mois de période d’essai. Elle réussira bien à dissimuler son ventre qui s’arrondit doucement. 

Elle froisse une mèche de cheveux entre ses doigts, les yeux rivés sur son téléphone. Devant elle, un reste de pizza froide. Autour d’elle, la salle de pause de la réanimation vide. La nounou lui a envoyé le résumé de la soirée accompagné d’une photo. Louis a perdu sa première dent de lait, Juliette n’a pas voulu dîner. Sur la photo, Louis montre fièrement le trou noir dans son sourire. Elle se lève, défroisse son pyjama  bleu. Demain si la relève ne s’éternise pas, elle pourra être à l’heure pour les accompagner à l’école. 


A propos de Géraldine Queyrel

Vend des rêves dans la vie réelle Rêve de fiction le reste du temps. Son blog : antepenultiemefr.

4 commentaires à propos de “#40jours #17 | self-made women”

  1. Je me rends compte que beaucoup de nos Portraits sont de solitude
    Le soir elle quitte sa toge pour son appartement vide.

    • Oui malheureusement il faut faire plus d’effort, assumer des choix qui chez les hommes sont valorisés par notre société. Le chemin n’est pas tout tracé qu’il soit au ras du trottoir ou dans les hautes sphères…