Passé sa vie professionnelle à ça : préposée au vestiaire de la piscine municipale. Derrière son comptoir, récupérer les paniers de plastique rouge avec le bas en forme de casier pour les chaussures et le haut en forme de cintre pour les habits. Les ranger sur le portique derrière. Quand ils reviennent de leur baignade, leur rendre en échange du petit bracelet numéroté comme le panier. Passé sa vie à ça. Et puis il y aura son pot de départ en retraite et puis très vite, sa démence sénile.
Une fois de plus, pas de place. Escalade le trottoir, allume les warnings, coup d’œil dans le rétro, scanette en main, débarque, va à l’arrière, prend le colis, traverse, interphone : « Bonjour, c’est la factrice – elle y tient au nom de son métier – j’ai un colis pour vous ». Attente. « Merci, bonne journée ». Coups de klaxon. Par la fenêtre du conducteur, trombe d’insultes vers elle. Blindée, ça glisse comme un crachat. Elle est toujours à l’heure pour la sortie de l’école.
Ce matin encore, les accueillir avec le sourire même si une heure et vingt minutes de route pour venir toucher son SMIC, leur proposer un gâteau, mettre le standard en attente, suspendre le travail en cours pour régler leurs problèmes d’emploi du temps, de dossiers à mettre à jour, pour les écouter s’épancher sur voitures/conjoints/enfants/parents/collègues/santé ou raconter dernières vacances/virées/soirées. À midi, comme d’habitude, ils/elles ne mangeront pas à sa table.
Jérôme, voilà trois portraits assez durs, et tellement réels.
Merci !
De la dureté forcément.
Et ta magnifique chute du deuxième bloc « toujours à l’heure pour la sortie de l’école »
ça en dit tellement long…