Elle a enlevé ses chaussures sous la minuscule tablette. L’hiver elle met ses pantoufles. De toute façon personne ne voit jamais ses pieds, elle pourrait bien ne pas en avoir ce serait du pareil au même. Elle a à peine la place pour se tourner dans cette bulle de plexi arrondie, équipée de trois trous pour renseigner ceux qui viennent. Elle est à l’accueil. Répond au téléphone. Passe au service concerné. Certains l’appellent Laurence, d’autres Carine. Carine, c’est l’autre hôtesse, elle ne la croise jamais, mais elle en a déduit qu’elles devaient se ressembler.
Elle tourne le dos à la classe. Elle lave les pots de peinture. C’est son moment de calme pendant que la maîtresse lit une histoire, avant le défilé aux toilettes et le réfectoire. Elle goûte le fait d’être debout, dépliée entièrement. Elle savoure le bruit de l’eau qui couvre les exclamations des enfants. Elle fait mine de ne pas entendre, dix secondes rien que dix secondes, la maîtresse qui l’appelle pour qu’elle s’occupe de Mathéo, parce que Mathéo est autiste et qu’il n’aime pas cette histoire.
Au-dessus de son masque, elle scrute chacun de ses gestes. Ses mains gantées de bleu sont en suspension, une pince dans une main, prête à s’avancer sans retard, l’autre tenant le fil de métal qu’il va placer dans la bouche. Elle reste ainsi, sans broncher, presque sans respirer. A l’intérieur elle bout, elle a tellement de choses à faire. Il pourrait la prendre sur le plateau cette pince, un coup d’œil, quelques centimètres de plus, mais non il faut qu’elle la mette directement dans sa main. Qu’elle l’assiste.