Une fille met dans ses poches des gens et quelques pièces et part plus loin que là où sont jamais allé les siens.
Elle trouve une place au cent cinquantième étage d’une tour qui en a plus de deux cent. Elle s’assoit sur un petit balcon rouillé qui tient plutôt bien et elle regarde entre les immeubles, les anciens, et ceux qui sont apparu soudain. Elle note dans sa tête et boit du café.
Elle va dans des endroits sans savoir pourquoi et n’écrit pas.
Elle prend une rue puis change et fait une aventure d’une cannette posée là au coin, d’un mec qui fume sous le panneau où c’est écrit que c’est interdit et de tous les bruits. Ou alors elle fait celle qui a toujours vécu ici. Elle se fait croire à une vie. Elle va dans le super marché tard comme si c’était normal. Comme si le stand de poulet frit toute la nuit c’était normal. Elle fait comme si les gardiens en bas des immeubles et les salles de sport dans la laverie, c’était normal aussi, elle fait comme si.
Le matin elle écoute les mouettes et les ambulances et surtout le silence des voitures.
Elle enregistre dans sa tête la ville par chaque cube qui la compose. A l’abri, le soir elle recompose.
Elle regarde en bas, la ville depuis le cent cinquantième étage et constate : il y a presque autant d’arbres ici que de tours en béton, en verre en laiton en tout ce que l’homme aura pu trouver pour monter des cubes les uns sur les autres et mettre sa vie dedans.
Elle écoute les gens parler entre eux, comme si de rien n’était, comme si elle n’existait pas et elle les comprends. La plupart du temps, ils ont raison, elle n’existe pas. Elle cherche des personnages parmi eux sans les trouver.
Alors elle part plus loin. Elle quitte la ville, prend des bateaux, les rate d’ailleurs plus qu’elle ne les prend. Elle fait cent fois le même paysage, le même scenario, le même réveil, le même café, il n’y a que le voisin d’à côté qui a changé.
Elle ne lave pas les draps, elle n’aime plus ça.
Elle prépare des sacs pour des aventures avortés, pour des avenues comptées, elle souligne les petits panneaux verts sans jamais savoir dans quel sens il faut les regarder. Elle ne les comprend pas.
Intéressant et singulier, un côté très sec et brumeux, incertain, que j’apprécie. Les sensations décrites le sont de façon très brute : elle n’aime pas, elle n’apprécie pas. Les gestes, les décors aussi, en quelques mots. Plus aurait été trop. Là cela laisse un sentiment de suspension et de mystère.
Merci pour ce passage et votre retour qui relève des choses que je n’avais pas vu, sur ce texte qui m’a sorti de ce que j’écris habituellement, merci pour ça!