Elle écrit partout n’importe quand. Pas de crayon, pas d’ordinateur. Depuis qu’elle sait lire et écrire, elle écrit. De sa belle écriture cursive elle écrit dans les méandres de son cerveau. Elle regarde vivre les adultes autour d’elle, elle écoute, elle enregistre – témoin de leurs imperfections et de leur violence – elle enregistre tout dans un coin de sa tête et le soir dans son lit, les yeux clos, elle écrit une histoire, elle renomme, elle embellit les lieux, elle apaise les passions. Elle dessine des phrases, de belles phrases au passé simple comme dans les livres, elle met un titre et elle s’endort, une nouvelle histoire en tête. Adolescente elle aime les cafés avec une prédilection pour celui où, dans sa ville, se rencontrent les vieux qui jouent aux cartes. Elle s’y installe souvent à la sortie du lycée, y commande un petit noir, fume une clope, pose un livre ouvert sur la table pour se donner bonne contenance et regarde ces fins de vie avec curiosité. Elle les écoute et parfois écrit sur un bout de papier une phrase ou deux pour ne pas oublier ce qui se dit. Elle a dans son sac une myriade de petits papiers qu’elle jette avec regrets quand ils deviennent trop encombrants. Elle décide de les coller dans un carnet. Elle peut ainsi les relire plus facilement. Il y est souvent question d’histoires de cul. C’est le temps où elle lit Rimbaud, Lautréamont et Simone de Beauvoir. Elle commence à écrire directement sur le carnet, puis sur plusieurs carnets à la fois. Elle en dédit un à la poésie – souvent celle des autres – un deuxième est sous forme d’un journal des humeurs. Il l’accompagne dans sa mue. Elle les remplit depuis son lit – son lit est son bureau – quand elle se replie dans sa chambre. Elle utilise un crayon B bien taillé. C’est le temps où elle lit Marx et Lénine, Freud et Marcuse, Anaïs Nin et Hélène Cixous. Elle a en permanence un carnet dans son sac où elle écrit tout et n’importe quoi quand elle sort. Elle commence par la date, le lieu et elle écrit. Beaucoup de citations lues, entendues ou relevées sur les murs. Et la ville, sa ville, ses rumeurs, ses respirations, ses chaleurs et ses refroidissements. Un seul lieu pour écrire, le café. Celui-là elle l’a dégoté en déambulant dans le quartier de son enfance. Il jouxte le jardin public. La lumière y est tamisée derrière de grandes vitres dépolies qui mettent à l’abri des regards.
Bonjour Claudine,
Je suis bien rentré dans votre texte. On discerne un personnage dans cette auteure en herbe.
Bonjour Emmanuel et merci pour vos encouragements