Écrire dans sa tête sur les pentes du mont Lozère pour oublier la fatigue de la montée, le souffle un peu court, mais avoir un tel paysage sous les yeux offre des mots autres pour continuer un texte qui s’écrit par ailleurs avec les touches du clavier, peut-être même une autre direction se prendra, le texte se densifiera ou prendra de la distance lorsque je serai derrière l’écran de l’ordinateur, où là je cherche à bien écrire, sans savoir à quoi cela correspond. Le geste de marcher précède le geste d’écrire, non plutôt il l’accompagne, et il le rend possible, il met les mots en gestation, il crée le ressort nécessaire, il se contente parfois d’un fragment de phrase qui se rumine dans les méninges ou qui se pose dans le téléphone par la voix, il lance la possibilité d’une vague, et fait de la place tout simplement. Mais on n’a pas toujours un mont Lozère à portée de main, et de simplement errer dans une ville, connue ou inconnue, laisse lever dans la voix un chemin neuf, quelque chose qui se meut où les mots peuvent s’évaser, alors on griffonne sur un carnet ou on parle à son téléphone d’un air détaché. Écrire à Venise, assise sur un banc place San Zanipolo, c’est prendre des notes en croquant les personnages qui traversent la place, car par l’intermédiaire du stylo ils deviennent personnages immédiatement et s’inscrivent dans un réservoir, un panier où piocher quand le besoin se fera sentir. Lorsque, enfermée dans son antre, la fatigue ou la flemme prenant le pas, il reste toujours les livres à arpenter, à feuilleter simplement parfois, à se concentrer sur une phrase, deux mots qui créent l’écho, l’appel de voix, l’écriture naissant sans le savoir, sans le vouloir, débordant de ses lignes, passant d’un dedans à un dehors, ou l’inverse, dans une langue qui ne se savait pas. Et cela s’écrit dans le bureau, à l’abri des regards, le nez plongé sur le clavier, dans cette semi-pénombre d’où il faudra extraire de la matière les quelques phrases qui se cherchent, laisser se former ce qui se doit.
(Je parle sans doute ici plus d’une écriture pour fragments ou textes courts, ayant encore peu l’expérience du travail sur de longs textes, ou de récits.)
Merci, Solange, pour ce beau texte où on sent vraiment l’importance de la marche pour écrire !
tu me donnes envie de marcher, envie d’écrire, merci!