Elle est debout dans le vestibule, la porte d’entrée est ouverte, l’homme est arrivé tôt ce matin avec un masque intégral et les produits toxiques qu’il va pulvériser dans l’appartement. Elle peut tout laisser, les papiers, les habits, l’appartement sera fermé pendant 5 heures après leur passage, ensuite elle devra revenir tout aérer pendant deux heures, elle réunit quelques affaires, sa carte d’identité, un chèque plié en deux dans son porte-carte, le marque-page donné par la crèche avec la photo du petit qui traîne sur le plan de travail, sa montre, elle ne saurait pas la laver des fumigènes qui vont s’y déposer, elle oublie le carnet de santé et pense à la carte de transport de la plus grande. Elle garde son calme, lui lui répète, ne vous inquiétez pas, il y aura des traces blanches sur les manteaux, prenez votre temps pour tout laver, les médicaments qui trainent faites attention en les ouvrant, il faudra tout nettoyer, mais tranquille, au fur et à mesure, ne vous épuisez pas, il faut bien passer la serpillère pour le petit, n’oubliez pas, c’est ma responsabilité, qu’il n’avale pas les toxiques, elle ne sait plus quoi prendre, attrape le livret de famille au cas où l’appartement partirait en fumée sous l’effet des toxiques, elle pense à son passeport dont elle aime bien la photo d’identité prise après leur voyage de noces, sa carte de bibliothèque et de musée, dans l’attente elle pourrait y faire un tour, mais ce n’est pas dans ces moments là qu’il est possible d’aller flâner devant la porte de l’enfer au musée d’Orsay, croquer un personnage ou deux dans des contorsions pas croyables, bon exercice pour ne pas interpréter. D’ailleurs elle travaille aujourd’hui. Elle se jure de ne rien dire aux collègues, au moment de partir elle attrape son trousseau de clés du travail, celui du garage et de la voiture, claque la porte et appelle l’ascenseur, elle pense à tout ce qu’elle laisse dans un magma d’émotions inquiètes, aucune possibilité d’énumérer, il y aura de la perte, elle pense aux clés de l’appartement des parents qui l’hébergent ce soir, revient, tourne la clé et entrouvre la porte de l’appartement dans un geste vif, imagine les fumigènes l’envelopper au passage, mais rien, il a pris possession des lieux mais n’a pas commencé, elle s’agrippe aux clés qui dépassent du contenant de porcelaine blanche sur le petit meuble à gauche de la porte d’entrée, claque la porte, fait un tour de clé dans un sens puis dans l’autre, il s’agirait de ne pas l’enfermer à l’intérieur, être de nouveau chez soi quand il sera parti, et les punaises après lui.
Bonjour Marie
Ton texte un peu inquiétant va très vite.
Ce qui en fait tout le charme !
Merci. J’ai beaucoup aimé le lire.