Il est assis à la table de la salle à manger. Un tas de livres dans lequel il aimerait se plonger, mais bon, il faut bien s’y coller. Pourquoi pas debout ? Il n’a pas le souvenir de s’être occupé de ses papiers en restant debout. Il est donc assis. Avec les papiers de son véhicule : carte grise ; attestation d’assurance verte pliée en huit pour entrer dans la petite poche plastique prévue à cet effet ; sa carte électorale ; sa carte d’identité où il fait la tronche comme cela est obligatoire ; la carte de sa mutuelle que ne rembourse plus son employeur ; un ticket d’entrée pour un festival de musique datant du mois dernier. Les fiches de paie, un bon paquet qui pèse son poids, sont rangées dans le buffet, provisoirement dans une enveloppe papier kraft. Le provisoire datant de plusieurs années. Il n’y a qu’une enveloppe kraft dans la maison. Dans un dossier bleu à poches plastifiées, les documents de la banque : ouverture de compte ; numéro de carte bleue sur une page plus épaisse que les autres où se cachent les codes secrets que l’on ne voit que par transparence. S’il ne se souvient plus de ces chiffres vitaux — comme cela lui est arrivé deux fois à la caisse d’un magasin —, il a dans les contacts de son téléphone trois numéros fictifs de gens inconnus. Dans son ordinateur, les papiers de la maison sont rangés selon leur pertinence dans divers dossiers aux titres clairs, nets, on ne peut pas se tromper : maison ; voiture ; fosse septique ; EDF, il ne sait même plus si EDF s’appelle encore EDF ; le prénom du chien pour vaccination et tatouage ; enfants, contenant trois sous-dossiers à leur prénom ; divisés en sous-sous-dossiers : sécurité sociale ; scolaire ; banque, seulement pour la plus grande des trois. L’ordinateur est verrouillé par un mot de passe. Chacun dans la maison le connait. Ensuite toutes les actions dans les diverses administrations et autres organismes sont accessibles par son empreinte digitale : notaire ; assurances ; diverses applications à abonnements, de travail, de loisirs et autres et divers. Il est assis à la table de la salle à manger. S’il meurt — à moins qu’il ne lègue la première phalange de son index droit, autrement dit, la clé de tous ces codes aléatoires à plusieurs chiffres et lettres et caractères spéciaux — qui pourra entrer dans sa vie ? Alors, il prend un petit carnet et commence à inscrire : CAF : QZFGt YUFR 06HN. Impôt : GHVC BRTD uHKk7. Assurance voiture : ShJgR NFDYy 7GfDE. Mutuelle X : FGRDN jYtHZ 77Tn?. Passeport : FRBKha DfEl6 TgFF. Contacts : WFdiL HRds 65Te. Banque : QsDt UTgFb 6C45. Livret : DfrT NnKk G6ttY. Opticien : SdRgB 4J3bb 7KF ? 5. Abonnement Magazine : QdEt HttJD 5tH3.
ah ah on est tous pareils et qu’est ce qu’on se sent en prison, encodés de cette façon… en plus ce n’est que du provisoire, n’est ce pas ?
merci pour tout ça