Rien n’est bleu, seulement bleu
Tout est discutable
avec elle
le coussin n’est ni bleu ni gris, il est vert mais d’un vert qui n’existe pas, qui n’existait pas encore à mes yeux et peut-être aux yeux aveugles de quelques autres.
J’ai un doute parfois, des doutes, les fables que l’on se raconte peuvent être tenaces.
Mais le coussin n’est bleu ni gris comme je le pensais, il est d’une couleur qui n’existe pas, qui n’existait pas jusque-là, le coussin est vert opaline, vert anthracite, vert lagon, j’invente, je suis obligé car j’oublie aussi vite ces noms qu’ils me fascinent sur l’instant.
Elle n’attend jamais pour nommer ses couleurs et je tends l’oreille à chaque fois, une oreille de touriste, un touriste qui ne voyage pas du tout, qui ne comprend pas tout de suite, qui feuillette en vitesse son dictionnaire sans trouver ce qu’il cherche.
Je n’ai pas les bons mots, le coussin est bleu et basta, je suis un étranger dans mon propre pays, je ne peux plus ignorer les murs et les portes qui me séparent soudain du monde, d’un monde que je ne soupçonnais pas aussi vaste.
Mon trousseau me parait bien mince mais elle me prête ses clés sans hésiter, vert impérial, vert printemps, vert givré que je confonds avec le bleu sarcelle ou le bleu canard qui n’est pas tout à fait le même, c’est elle qui le dit, parce que moi je n’ai que quelques clés sur mon trousseau
et elle
avec les siennes
rentre quand elle veut, où elle veut.