A marcher sur les trottoirs immenses, vastes aplats de luxe
comme une Promenade anglaise
Passant passeur tu prends le large à ta manière
les bras balancent et font cordages
Au navire ployant sur les vagues de terre – car la ville est ce port
qui part des champs jusqu’aux voiles d’équipage
– quand se déploie l’immensité des Pyramides !
Feux de câbles et de soudures, bulles d’or et d’églantier
Tous les orgues de l’Afrique sont réunis pour ta gloire
Et toi, le mendiant qui sourit la main jointe au cœur
Je vois que t’y trouves un bonheur – Agite les grigris à l’ombre des citernes !
Lentement sur les terrasses tu parles à voix basse
pour appâter les chats
marchant avec eux et clignant des paupières
tout le jour à longer le temps
venant d’on ne sait où
Distribuant les prospectus avec un beau sourire d’Egypte
Et les syllabes des portes s’ouvrent – tu y rencontres des Sisyphes endormis par terre
Dans un songe antédiluvien qui les hante et les oublie
Feux sur les fronts, les gandouras, les plis suaves
L’arc-en-terre des misères est ici fauve et doux,
Rues d’oranges ensommeillées sous les avenues
où fusent des calèches de folie
Les linges de musiques à travers les vitres ouvertes, les Gnaouas, les youyous
Ongles verts de sève bleus turquoise fluo jaunes
Flammes aux soies mauves et leur peau superbe !
Mais toi qui vis dehors, tu longes le vacarme
dans un vol d’hirondelle
Passeur passant en paroles chuchotées, presque le mur comme une épaule
Peut-on écrire quand on a si faim ?
Le matelas par terre, les cheveux remplis de bêtes
Pourtant l’Oeil premier – est là, tournant ses myriades de langues
Dans un flots d’agrumes sur les Terrasses de l’Agora
Frôlant le ventre du ciel
L’Oeil est là qui passe des Pyramides à la passerelle
Au seuil de chaque magasin, jusqu’au Conservatoire, harmonium de soleil
Jusqu’à la cathédrale du XXème siècle et l’allée du Grutier
Jusqu’aux chansons des filles aux joies franches et rebelles
Jusqu’aux conciliabules des fontaines, la fredaine des eaux claires
Jusqu’aux soies de ton visage qu’il embrasse au passage
Suivant les pas traînants des babouches et des robes
jusqu’aux bouges de l’ancien temps des villes
Ta supplique est entière quand tu dors dans la mer rouge sur le matelas par terre
Et pourtant nos yeux se touchent
Ville enlacée de prières, familière et douce comme la main sur la joue
comme les enfants courent dans le crépuscule car le monde entier est un balcon géant
Donnant sur le soleil quand par terre tu n’entends plus la faim
Réduit à donner la main exactement celle qu’on attend
Car la ville est un temple où tu parles aux oiseaux aux signes d’exilance mon frère
Enlace-moi de ta parole à terre
Qu’elle soit la magie noire qui fait monter mon cœur.
Du coup c’est de la prose là, cachée dans une forme poétique