Il est assis à la banquette d’un train seconde classe, tenant dans sa main gauche son ticket de transport, que le contrôleur ne va pas tarder à poinçonner, ticket go pass moins de 26 ans pour 10 voyages, ce qui, vu la fréquence réduite à laquelle il prend le train, lui revient moins cher que de payer systématiquement le prix d’un aller simple.
Dans un an, il aura dépassé cette tranche d’âge et sera considéré comme un « vieux » aux yeux de la société, obligé d’investir dans le multiplaces standard des adultes standards – la dernière catégorie valable pour espérer obtenir une réduction, c’est le tarif seniors ; il a encore le temps, là, par contre.
En même temps que de plaquer son ticket sur la petite table de la banquette, il tâte de l’autre main la poche droite de son pantalon, vérifiant la présence dans une pochette plastique offerte par sa banque, de sa carte bancaire, de sa carte de crédit et de sa carte d’identité. S’ajoutent à l’ensemble sa carte One FNAC (« coupe-file » avantageuse) et sa carte Delhaize pour faire les courses. En gros, plutôt qu’un portefeuille qu’il trouve trop encombrant, trop voyant (Beaucoup d’hommes alpha ont tendance à engouffrer leur gros portefeuille dans la poche « fesse » de leur pantalon ; c’est viril. Mais comment s’asseoir ? Comment éviter la tentation du vol ?), il a rassemblé la panoplie de ses cartes du quotidien, celles qu’il utilise le plus souvent. Ce jour-là, ses deux cartes principales revêtent une importance majeure.
Dans son sac à dos, une feuille de papier avec l’impression de son ticket de concert, qui lui donne accès, durant toute la journée, à l’offre musicale du festival – nom et prénom, numéro de client, et surtout code-barres à faire scanner à l’entrée pour recevoir son bracelet : il pourra entrer et sortir du site du festival, rapporter des boissons (si l’excuse de la canicule est acceptée et qu’il n’y a pas de contrôle infrarouge sur tapis roulant du sac à dos) et revenir ensuite. Au cas où le papier ne passe pas au stand de sécurité, il a de toute façon la version électronique du ticket dans son smartphone (penser à checker les mails). On n’est jamais trop prudent.
Autour de son cou, vestiges de conseils prodigués par sa grand-mère, il porte, soutenu par une cordelette, une fine enveloppe en skaï rembourré, dans laquelle il a glissé un peu de liquide – au cas où le merchandising des artistes, après chaque concert, l’intéresse – peut-être un vinyle exclusif, un T-shirt customisé ou un objet collector. Mais s’il achète quelque chose, il devra se le trimballer durant tout le festival, son sac à dos ne lui permettant peut-être pas d’accueillir l’objet en question. A voir.
Il est prêt ; le train avance. Trop tard, de toute façon, pour retourner chez lui récupérer d’autres papiers qu’il aurait oubliés.
Il a tout ce qu’il faut.