suis montée dans le tram | ai trouvé une place au milieu de la voiture | ai pris un air désinvolte avec sac sur les genoux tout en concentrant mon attention sur la vitre une fois assise à ma place histoire d’avoir l’air d’être occupée, une minute d’attention ou deux ou trois accordée à cette vitre presque à me toucher le front pour avoir l’air de regarder le paysage dehors | en fait c’est la vitre elle-même que j’ai examinée — pas le paysage, immeubles et friches urbaines — et ça m’a bien occupée, les traces de pluie et de frottements de doigts, son épaisseur, sa matière transparente mais pas absolument transparente, sa nature soi-disant moléculaire, son existence même absorbant un certain pourcentage de lumière -— dérisoire sans doute — et qui aurait révélé des milliers de toutes petites bulles si on l’avait regardée au microscope ou si on l’avait découpée, et pourquoi pas de minuscules plissements, boursoufflures, éraflures constituées dans l’instant du refroidissement si on avait pu en agrandir un seul centimètre carré, mais ça servirait à quoi de connaître la structure de cette vitre, d’apprendre que les atomes s’y promènent en grand désordre comme dans un liquide, de toute façon n’en ferai pas grand-chose sinon le constater pour éventuellement l’écrire plus tard | bien sûr personne n’a soupçonné ce que je pensais et faisais le temps de quatre ou cinq stations avec l’air si inspiré et intéressé que j’avais avec mon sac sur les genoux à regarder comme ça les immeubles défiler alors que non, c’est la pluie qui laissait trace et entraînait la poussière vers la rainure en caoutchouc qui servait de bordure en bas que je regardais | et plutôt que de me plonger dans un livre ou un écran de téléphone, ai observé le sable venu du Sahara contenu dans la pluie qui marquait la surface, en déformait la transparence, une chose qui m’a bien occupée jusqu’au moment de descendre avec toujours en tête l’interrogation autour des atomes qui constituent toutes les matières et le corps des gens aussi
et entre les Zatomes…
encore un autre niveau d’exploration dont j’ignore tout… je n’ai pas les outils
merci Alexia pour ton écho
Ou comment une attention ciblée, précise peut nous amener loin. Merci Françoise
De ces échanges que nous aimons dans notre communauté qui nous permettent des élans et des mouvements vers des personnes nouvelles
merci Véronique pour cette attention
en fait je ne savais pas trop vers quoi me tourner, quel objet, pas d’idées, alors que j’avais le nez collé à la vitre… après, faut juste y aller !
Bonjour Françoise
La caméra de ton attention nous entraîne jusqu’au niveau moléculaire !
Merci pour ce beau texte inspiré.
écrit hier soir rapidement dans la chaleur et l’urgence… et juste posté ce matin
je n’avais pas le temps de faire mieux, mais contente que ça t’ait plu !
Toi aussi tu reçois les poussières sahariennes ?! Ici, grâce à elles, nos jours sont parfois lunaires.
Merci pour ce magnificque texte !
oui la pluie est souvent teintée de rouge par ici… on retrouve la poussière sur les voitures et autres surfaces vitrées ou métallisées
faut faire tellement vite, pas le temps de respirer
et prendre quand même une part de ce temps pour lire les autres…
je te suis, chère Helena