Les tombes. Sur la place de l’église. C’était que des pavés gris. Maintenant c’est plus clair et y a des tombes. Combien de tombes ? Pas vraiment des tombes. Y en a plus. Y en a eu avant. Parfois y en a encore. Pour entrer dans l’église tu traversais le cimetière. Mais là y en a plus. Ça fait quelque temps déjà. Depuis les pavés gris sûrement. Va savoir quand c’était. Mais aujourd’hui les pavés sont neufs. La place a été refaite y a pas si longtemps. Avec des pavés écrus. Des nuances de beige. Des clairs. Des jaunes. Des plus gris. Et il y a des tombes. Beaucoup. Combien de tombes ? Mais c’est pas vraiment des tombes. Y en a plus. C’est plus que des traces. Des signes de tombes. Des lignes et des images. Mais rien dessous. Des tombes sans sépultures. Des traces. Les arbres à côté c’est quoi ? Des feuillus. Mais quoi ? Il y en a un à ses pieds il y a des tombes. Trois tombes. Trois traces côte à côte. À touche touche. Au pied d’un massif de haie. C’est quoi ? Des fleurs roses. En tout ? Combien de traces ? Des dizaines. Une centaine ? Sans sépultures. Il y en a eu. Il reste rien. Que des traces de tombes pleines. Des tombes vides. Juste des contours. Des lignes. Ça fait des trapèzes. Des vides. Dans tous les sens. En parallèle. Des pleins. Décalés. Des rectangles aussi. Des traces de tombes en lignes. Combien de tombes ? Des trapèzes pleins. Des traces vides. Combien de rectangles ? En décalé. Parallèles. Dans différents sens. Perpendiculaires. La rambarde métallique le long du trottoir. Une série de carrés et leurs diagonales. Un cercle au centre. Combien de carrés ? Combien de cercles ? Au début y avait pas de rambarde. Avant y avait pas de tombes. Ni de pavés. Les écrus comme les gris. Et pas de cimetière au tout début. Même pas d’église à l’origine. Mais ça a pas de sens ça. L’origine. Une rambarde oui. Un garde-corps ou un garde-fou aussi. Combien de sens ? Dans l’un ou dans l’autre. Vers la gauche. Vers la droite. En file indienne. Des trapèzes et des rectangles. Des images. Des pleines et des vides. Des en lignes. Et ça fait comme une porte au sol. Surtout avec la lumière. Le petit spot. On dirait une poignée. En haut ou en bas. Ça dépend si tu entre ou tu sors de l’église. Des dizaines peut-être une centaine de portes. Mais sans portes. Ça reste des signes de portes. Des portes au sol avec poignées. Des boutons de lumière le soir. Ça éclaire le parvis. Ça illumine l’église. Dans tous les sens. Quand tu ouvres la porte c’est d’abord sa résistance qui t’étonne. Son poids. Sa masse. Et le loquet qui claque en retombant. Et ça résonne dans toute l’église. Il fait frais. Sur les côtés y a des bancs. Des bancs en pierre. Des blocs. Comme des parallélogrammes. Lisses dessus mais les côtés bruts. Comme des blocs de pierre surgis là. Comme des tombes. Des sépultures comme on pouvait en voir avant. Ça fait quelque temps maintenant. Là c’est des bancs. Tu peux t’asseoir et regarder les tombes. Tu peux compter les traces. Les rectangles et les trapèzes. Et ça fait en fait combien ? Et dans quels sens ? Vers la gauche. Dans l’autre sens. Décalés en fille indienne. Côte à côte un vide et un plein. Écru et gris. Des bandes rouges aussi. Rouille. De l’autre côté du parvis il y a des tables. Trois tables inclinées. À dix pieds. Des tables pour lire. Des tables avec des images pour comprendre. Du texte à côté. Texte et image pour se représenter un peu mieux la chose. Quelle chose ? Et derrière les tables il y a la rambarde et le caniveau. De plus en plus profond car ça descend. Rien devant le portail de style roman. L’allée est vide. C’est juste un passage étroit entre les tombes. Leurs images. En plein ou en lignes vides. Et ça fait comme des portes. Des portes tombales au pied du portail roman. Quand tu montes l’escalier tu arrives sur des tombes. Des traces de tombes côte à côte. Plus ou moins en ligne. Et ça fait comme des marches en plus. Comme un escalier à plat. Mais après tu marches aussi sur les portes. Tu mets le pied sur le bouton lumineux le soir. T’en prends plein les yeux sinon. Et pas moyen de s’accrocher à la main courante. Ou alors tu redescends. Tu reprends l’escalier et sa main courante au milieu. Toute simple. Une ligne. Les tombes avec des lignes ou en images c’est gris. Avec un peu de rouille ici et là. Un peu de patine. C’est de l’acier. Des tombes en acier. Du Corten ça s’appelle. On dit aussi patinable ou auto-protecteur ou intempérique. Des tombes d’acier rouillé ici et là sur le sol écru. Des barres ou des plaques encastrées dans les pavés jaunes et clairs. Parfois des gris. C’est tout en nuances de gris et de rouille. De l’acier fait pour patiner. Des plaques de métal. Structure pleine ou en lignes et du vide. Et combien de vide en fait ? Plus que de tombes au final ? Et le spot c’est quoi ? Un cercle de métal noir et un œil de verre blanc brillant. Et la lumière le soir. Fiché dans la pierre. Un pavé. Et en haut d’un rectangle ou d’un trapèze gris rouille. En haut et pas en bas. Parce que le mort dans la tombe a les pieds devant l’église. Il regarde le clocher. Ou l’horloge. L’œil dans l’œil. Le spot c’est en haut. C’est comme le signe de la tête. Ou ce qui en reste. Un œil pour la lumière. Et toi des fois tu marches dessus. Deux entrées vides de part et d’autre du portail. Deux murs pleins en forme d’arc. Des arcs plein cintre. Surchaussés. Tympans vides. De fausses entrées en bas-relief. Et la même chose au-dessus du portail. Quatre entrées vides de murs pleins. Des portes sans portes. En bas-relief plus creux. Et la même chose au-dessus à six portes vides. Des arcs plein cintre mais pas surchaussés. Trois d’un côté et trois de l’autre. Et comme une vraie porte au centre. Un vitrail de la taille d’une porte. Mais sans poignée. À quatre piédroits. Comme le portail roman. Et l’horloge au-dessus. Un œil blanc. Avec le temps il y aura moins de gris que de rouille sur les tombes. Les traces sans sépultures. Et les pavés seront de plus en plus gris. Avec le temps ça patine. T’as pas poussé la porte de l’église si souvent que ça. Il y a eu le baptême des enfants. C’était assez étrange d’y retrouver ta psy. Il y a eu les obsèques du voisin quand tu venais d’emménager. Et puis une poignée de concerts. Le premier ça remonte. Une des premières Eurochestries avec Sasam au marimba. Il t’avait invité. À l’époque le parvis était tout gris. Le dernier ça doit être le chanteur des Innocents. Et c’est ça les portes au sol avec leurs poignées. Des tombes à œil. Et ça en fait combien ? Combien de ces œils au sol ? Combien dans un sens ou dans l’autre ? Des qui regardent à droite et des à gauche ? Combien dans tous les sens ? Et combien pleins ? Combien vides ? Et les vides c’est avec ou sans lumière ? Il y a quand même quelques tombes totalement de travers. Perpendiculaires. Une poignée en tout. Pourquoi ? Pour combler les vides ? Mais les pieds d’un côté et la tête de l’autre et jamais dans le bon sens. Ils regardaient quoi les morts ? Pas l’œil de l’horloge. À moins de se retourner dans la tombe.
j’aime la chute de votre texte très vivant malgré les tombes
Merci Danielle. Sans les urbanistes, je n’aurais rien pu faire. Ce sont eux les premiers à avoir essayé de réveiller les morts et animer le parvis.
Très belle évocation, texte qui appelle à la scansion. Je ne peux résister à vous demander où se trouve cette église, mais ce serait peut-être enlever la part de mystère que de le savoir…
Merci Catherine. — C’est vrai, je ne cite jamais le nom de la ville sur laquelle j’essaie de me concentrer, en tout cas pas directement, sous le nom d’emprunt de Sauveterre. — Pour aider, je viens d’ajouter un petit lien Internet, vers le site où j’ai chipé l’image. Vous trouverez le lieu. — Bonne visite.
Merci Will 🙂
Je te rejoindrai sur ces parvis dès que j’aurai le temps de rattraper les épisodes Tarkos. Mais oui, la couleur, c’est là aussi pour moi.
Et je suis bien curieux de savoir ce que je vais pouvoir lire.
Quelque chose en rapport avec les trous et les fossoyeurs. On a pas mal de billes de ce côté-là dans l’Archive. Conversations de café renouvelées à la Secousse…