La lumière baisse, bouge les moulures sur les façades, déplace les volumes, creuse les angles, les portes tournent au noir, les immeubles rétrécissent dans l’ombre, reculent puis avancent leurs pierres éclaircies, volets éclatants, la ferronnerie rutile, les zincs étincellent tandis que le nuage glisse très lentement tirant plus loin sur la rue sa masse d’obscure fraîcheur dans l’été qui tout autour dissout et mêle, revêtement rouge des trottoirs, chaussée d’asphalte collant, garde-fou protégeant les piétons de la chute sur les voies ferrées, les rails avec le ballast et de l’autre côté, par-dessus le remblai couvert d’herbes jaunes, rangée d’identiques constructions de briques que le plein soleil amaigrit. Le décor un instant se fige mais un nuage autre apporte ses masques nouveaux et tout est méconnaissable. Se tromper de sortie de métro, émerger au mauvais coin de rue comme dans une ville étrangère à deux cents mètres de chez soi. Marcher croyant avoir reconnu en cette boulangerie un repère familier mais la boutique vide de présence humaine n’a pas le présentoir à gâteaux attendu. À côté, un menuisier spécialiste en cuisine, devanture orange, peut-être celui que ma mère a dit avoir consulté récemment, porte fermée. Lever les yeux vers les ramures assoiffées des platanes, ciel traversé de ces nuages crémeux qui n’apportent pas la pluie. Un avion passe. Aller plus bas sous le soleil assommant, avec l’espoir qu’en quittant l’avenue, en tournant à gauche au carrefour tout rentrera dans l’ordre que je saurais m’orienter que mes jambes retrouveront le chemin de chez moi. Tomber sur une placette inconnue, trois jeunes arbres au bord, épicerie entrouverte, terrasse de café pmu, commentaire télévisé du tiercé pour personne, ronronnement d’un ventilo puis voix fortes d’hommes à chapeau noir, femmes au visage d’un autre peuple, autre langue, jupes longues colorées, tirant des caddies bourrés d’objets ramassés ça et là qui soulèvent les couvercles des poubelles, les claquent, s’en vont plus loin, disparaissent en riant dans les rues latérales. S’asseoir sur un banc brûlant. Observer l’insecte surmonter un bourrelet de bitume crevé. Attendre que quelque chose arrive.
« Observer l’insecte surmonter un bourrelet de bitume crevé. » et perdre le courage de ne pas attendre pour surmonter les effets du « soleil assommant »… « La lumière baisse » dites-vous, me fait penser auvtitre du dernier Journal de Charles JULIET chez P.O.L : « Le jour baisse »,je vous le dis par association d’idée et goût de l’emploi des mots lumière, jour et du verbe baisser si présents dans nos vies extérieures comme intérieures. Bonne Journée ! https://www.pol-editeur.com/index.php?spec=livre&ISBN=978-2-8180-5108-5
Bonjour Marie-Thérèse,
En effet, je n’y avais pas pensé. J’aime beaucoup lire Juliet. Merci pour ce commentaire.