Il suffit de tourner au mauvais endroit et je ne reconnais plus la ville. Ces rues, où se passent-elles ? Couloirs obscurs d’où le soleil en éclipse s’est détourné faute d’espace, façades sombres qui tombent à pic sur les trottoirs étroits faits pour marcher derrière la silhouette qui est devant. J’y avance en rêve, comme dans une maison qui ne m’appartiendrait pas, repoussée sans cesse par des sens interdits me faisant aller à l’opposé de mes désirs, dans un cercle chaque fois plus étroit où les contours se défont et immédiatement se recomposent à l’image du tracé ancien. Je scrute les visages pour trouver un repère, mais ils enfoncent leurs yeux dans le sol, se tournent vers leur univers familier et me transforment en fantôme. Ici, les mots sont inutiles, je ne parle pas leur langue et ils ne comprennent pas la mienne. Les noms des rues sont ceux d’un continent lointain. Il suffit que la Terre se déplace juste un peu pour qu’un éclat de lumière illumine la sortie de ce monde opaque, mais, comme dans tout labyrinthe, on ne sort jamais par la même porte par où on est entré. On ne pourra jamais oublier les bouts de soi qu’on a laissés derrière et sans lesquels il est impossible de se retrouver.
C’est très beau. Cette transformation en fantôme, ces bouts des soi qu’on laisse derrière. Merci Helena.
Merci, Jean-Luc !
Complètement réussi, dans la concision et dans la force.
Et chaque perdition nous ôte des tout petits bouts de soi qui sans doute nous reviendront sous une autre forme
Beaucoup beaucoup aimé… merci Helena
Oh, merci ! J’ai eu beaucoup de difficulté avec ce texte, car je ne trouvais pas un sujet suffisamment solide pour l’aborder. Je suis contente que tu l’aies aimé !