Peu de souvenirs de la crèche façade blanche se dressant haut dans une rue latérale sinistre, des siestes quand les autres dormaient pas moi, de l’école Charles Digeon classe de CM2 où l’instit homme corpulent au crâne ras mettait les punies au coin (après 68!), de la cour plantée de gros marronniers, du préau sol rouge, des escaliers que je confonds avec d’autres escaliers d’école carrelage jaunâtre rampe maigre, de la boulangerie rue de Bérulle emplie de collégiens faisant provision de bonbecs en volant partie, de la voie de chemin de fer désaffectée, petite ceinture livrée aux plantes sauvages visible du pont qu’il fallait traverser pour se rendre au C.E.S Paul Bert, du parquet grossier des couloirs passés au désinfectant après les journées d’élections, de la rue Faidherbe près du bois où j’allais jouer au Risk avec une amie, à l’opposé les camionnettes des prostituées patientant boulevard de la Guyane le long du périph, du sapin de Noël calé près de l’église son parfum dans l’aube piquante de décembre, de la piscine détestée guettant ses petites victimes juste devant l’école carrelage glissant douche froide obligatoire, des loges minuscules où gîtaient les concierges un couple espagnol rue de la République un enfant de l’âge de ma sœur, une famille portugaise avenue Victor Hugo avec une belle voiture que le propriétaire passait son temps libre à briquer dans la cour, de la cuisine rue Sacrot fenêtre sur mur gris meuble formica tubulaire inox, de la grande droguerie sur le chemin du zoo odeurs fortes de détergent ballons tape-balle moulins à vent cinq couleurs, de la grande villa claire dans son jardin près du parc où le petit-fils du maire avait fêté son anniversaire, de l’institution logée dans un immeuble sans charme où l’on s’occupait de jeunes handicapés mentaux qui traversaient la ville encadrés d’éducateurs, du cinquième étage dédié aux chambres de bonnes tomettes ocres lucarne toilettes sur le palier où vivait une vieille femme grosse qui m’aimait bien, du marchand de pianos en face de la poste, du boucher juste derrière l’arrêt de bus où j’ai appris la mort de Claude François, de l’intérieur de l’église que nous ne fréquentions pas, de la place rue de l’Alouette qu’occupait un marché deux fois la semaine où nous jouions parfois, des chantiers remplaçant les pavillons par des immeubles modernes, des rues où je ne connaissais personne mais qui existaient quand même…
(Etc. Ça peut durer longtemps.)