Ceux qui prennent le ferry avec leur voiture restent dans leur voiture. Pour ceux qui sont à pied, il y a une salle d’attente. C’est vitré, spacieux, propre, deux rangées de sièges dos à dos, musique consensuelle, volume presque bas. Des ronronnements au bout de la rangée. Un homme parle à son chat qui s’impatiente dans sa caisse en plastique. Longue moustache broussailleuse, tombante dans les coins et un peu jaunie, larges lunettes, canotier, pantalon rose, bottines lacées et veste un peu chaude pour la saison. Il a pour tout bagage, outre le chat, un sac à dos, petit mais dodu et un gros carton scotché et ficelé façon poignée contenant une débroussailleuse à fil de 500W. Plus loin on parle anglais. Un type solide, sweat à capuche avec le nom d’une entreprise ayant à voir avec la mer. Cheveux bouclés un peu longs, visage fin mais mâchoires carrées. Il a remonté ses manches sur deux avant-bras sur lesquels chaque mouvement fait jouer muscles et tendons. Au poignet gauche une grosse montre qui doit faire un tas de choses et promettre l’étanchéité, à droite bracelet en ficelle fermé par un nœud savant. Quand la musique cesse de s’écouler des haut-parleurs pour laisser place à l’annonce du départ prochain, deux copines chargées d’emplettes se lèvent, robes légères qui anticipent un peu sur la saison encore à venir, chaussures confortables, elle se racontent des histoires de dentistes, l’une pointant son index sur sa joue maquillée en ouvrant la bouche tandis que l’autre pose sur son nez les lunettes qui lui pendaient au cou pour y voir de plus près cette histoire de pivot puis vérifier qu’elle a bien dans son sac le billet qu’il va lui falloir présenter au bout du long couloir avant de monter dans le bateau. Au bout du long couloir, l’employé mi-souriant mi-absent portant le pull de la compagnie contrôle les billets avec un téléphone qui lui sert à scanner les codes qu’on lui présente. Je suis la dernière, après moi il jette un œil dans la salle d’attente vide, attends encore un peu en regardant sa montre, puis replace la chaine en plastique aux maillons blancs et rouges en travers du passage. Pour ce trajet-là c’est fini, point final, à la ligne
J’aime beaucoup le passage cocasse de la conversation dentaire !
Des portraits bien campés, plaisir de les croiser 😉
Tu aurais pu les croiser d’ailleurs si tu avais pris le même bateau que nous en mai 😉
Un bon bloc d’écriture tout vibrant de portraits bien vivants.
Un plaisir de lecture.
Merci, Juliette !
Merci de ta lecture Fil, On met beaucoup de monde sur un ferry, c’est un régal de picorer des portraits
« Au poignet gauche une grosse montre qui doit faire un tas de choses et promettre l’étanchéité » 😁