Un peu avant l’ouverture, le premier sur les marches. Le temps de les voir arriver dans la fraîcheur du matin. Trois hommes, la cinquantaine, costauds, rasés de près, frais et dispos. Ils se saluent et échangent en langue étrangère. Turcs ? Kurdes ? Jeans ou pantalons légers, t-shirts ou polos sombres, baskets propres. Un peu en retrait, une dame plus âgée nous observe de derrière ses larges lunettes. Cheveux courts, blonds, frisés. Un peu boudinée dans un t-shirt bleu marine. Elle porte un grand panier en osier. Arrive une autre dame, toute petite très âgée, un fichu en tissu rose très fin sur les cheveux. De derrière son masque bleu, elle demande ce qui se passe. Lui répondre que le samedi ça ouvre à 9 heures et pas à 8 heures 30 comme le reste de la semaine. Plus loin, sur le côté, un homme, la trentaine, un avis de passage à la main. Barbe de trois jours, t-shirt et short, ton vert armée, froissés. Il parle fort dans son téléphone tout en fumant. « Laisse tomber, elle va encore faire des histoires. Laisse tomber… Je te laisse à tout à l’heure. » Le rideau de fer automatique se lève. Trois employés, une jeune un peu forte avec une longue cascade de cheveux bruns, un homme sec à lunettes en fin de carrière et un plus jeune, à l’allure très martiale. Ils interrompent leur conversation et s’égayent dans les locaux. Ils portent le gilet gris sans manche avec dans le dos le logo de l’entreprise publique qui les emploie. Les trois amis se sont arrêtés devant les automates pour le dépôt des chèques. La dame au panier file vers l’espace des conseillers financiers. Au guichet « lettres et colis », le trentenaire froissé laisse passer la vieille petite dame au fichu. La préposée lui demande de signer avec le doigt le sabot électronique qu’elle désigne sur la console puis elle part chercher le courrier en instance. À son retour, elle réitère sa demande. « Il va le reconnaître mon doigt ? ».
Codicille : tentative de saisie d’un petit bloc de réel et sa petite foule de vies. Loin d’un grand brassage. Rien imaginé d’eux, ni d’un moment précis et charnière de leur vie. Rien d’objectif, juste du souvenir très récent qui, sans la proposition de F, aurait sombré.
Après cette première semaine, merci à F et à celles et ceux qui lisent et prennent le temps d'un message - un peu honte de ne pas - alors oui, MERCI
Super ces petits portraits du réels se juxtaposant les uns avec les autres, c’est très vivant, et réjouissant, merci.
Du quotidien très agréable à lire …