Le feu est vert. Les véhicules passent. En face, des gens attendent de pouvoir traverser. Un moment lent d’attente, si court, et si long quand coupé dans son élan. Un homme au visage rond regarde dans un sens et dans l’autre. Ses jambes nues continuent à courir sur place. Son torse projeté en avant comme si sa poitrine et son contenu étaient déjà au-delà de la chaussée, de la rue même, avaient traversé et continué loin derrière, vers le parc. Son visage est maintenant tendu vers l’horizon. Comment va-t-il se rattraper ? Les véhicules passent, les visages tour à tour se dérobent derrière les vitres de bus et voitures. Une femme bien coiffée, peut-être juste sortie de chez le coiffeur, attend le sac à main sur le coude. Elle tire une cigarette de son paquet, la tape contre le dos de sa main pour en tasser le tabac. Tout ralenti. Elle regarde sur les côtés, ses yeux ne semblent rien regarder d’autre que ce à quoi elle pense. Elle fouille en elle, ses paupières se ferment et s’ouvrent lentement, un nuage de fumée. Plusieurs voitures. Un enfant dans une poussette, une peluche à la main se contorsionne. Sa tête tourne curieusement autour de l’axe de son cou pour voir sa mère. La jeune femme se penche et lui parle gentiment, prend la peluche que l’enfant lui tend. Elle la range sous le siège et se redresse. Elle passe la main dans ses cheveux puis plie les genoux, descend à hauteur de l’enfant, plus proche cette fois-ci, ses lèvres disent quelques mots à l’oreille de l’enfant dont l’attention est soudainement captée. Sa mère lui montre du doigt le petit bonhomme lumineux qui vient de s’éclairer en vert. Le petit bonhomme vert et la traversée sur le passage clouté. L’odeur d’une cigarette, un peu de sueur, le sourire d’une mère, le regard fixe de l’enfant dans sa poussette devant le pare-chocs d’une grosse voiture.