# 40 jours # 08 terminus | là où la ville s’effondre

Pour une fois, aller à pied à l’école, prendre le chemin étroit aperçu chaque jour en voiture. Son étroitesse le réserve aux piétons. Il passe près d’une maison à deux étages, puis est longé par un grillage. Derrière, deux immeubles bas, leur portique se font face à distance respectueuse, une cour vide entre et autour d’eux, des poteaux supportant des fils à linge. Une autre vie serait là, plus lente. Le chemin rétrécit, devient un escalier de béton, des branches se courbent au-dessus de lui, il tourne dans un sens, puis dans l’autre, lorsqu’il se redresse et s’élargit jusqu’à ressembler à une rue, deux voitures garées en parallèle signifie le cul de sac et le caractère semi privé du lieu. Un angle droit, et une rue suit maintenant un terrain de terre rouge, cernée de lignes blanches, puis l’ombre et l’arrivée, de l’autre côté du portail, et l’attente des enfants en est différente, d’avoir découvert l’autre versant, petit passage du Nord-Ouest aboutissant à la grille habituelle. Savoir encore pourquoi la mémoire des Portiques t’est refusée.

C’est un parc, plus bref qu’une chanson. En cercle : Une grille basse sur un coté dont une partie s’ouvre et se ferme comme une porte, un escalier de trois marches longues s’achevant sur un muret, un mur en arc de cercle s’élevant, à l’extérieur la route tourne et monte, une grille invisible mais supportant un jasmin en floraison, un autre angle droit, puis le mur de côté d’un immeuble, une quinzaine de mètres de hauteur, deux nuances de couleur séparées par une ligne horizontale, à hauteur du plafond des caves, qui, à l’extrême gauche, s’incline à quarante-cinq degrés, s’élève puis brièvement redevient horizontal, au niveau du sol, toujours à l’extrême gauche, au ras du sol, la niche d’un compteur d’eau creusée dans le mur, le panneau faisant office de porte a été arraché. Au centre, énorme par rapport à l’espace, le tronc d’un pin. Il faut lever la tête pour voir les branches. En moi le souvenir d’un banc métallique, et en même temps, l’absence de souvenir du banc. Je n’ai jamais vu quelqu’un à l’intérieur. Pendant la Fermeture il n’y avait même pas d’avis interdisant l’entrée.

La route reprend le tracé d’une voie romaine. Lorsque le centre commercial a été bâti, un tronçon en a été dégagé mais les travaux n’ont pas été interrompus. Les blocs plats de basalte sont visibles depuis le trottoir, sous le parking, des grilles en empêchent l’accès. Sur les murs, un slogan fasciste a été peint. Le centre commercial a été nommé La voie antique. Il a été construit grâce à la collusion entre le maire et les Calabrais. Il se rend d’ailleurs souvent à leur bar au rez-de-chaussée, assis sur la terrasse, fumant le cigare, entouré. Les boutiques du centre commercial ont pratiquement toutes fermées. L’ascenseur ne fonctionne plus. Une des trois étages est complètement inaccessible. Une rampe porte sur le toit aménagé en parking toujours désert. Une barrière levée, un feu de signalisation éteint. Il reste les caméras de surveillance, sont-elles aveugles? Je suis monté là, attendre. La vue est dégagée vers la vallée du grand fleuve, les sommets enneigés, la montagne sacrée. A l’opposé, tous les espaces jusqu’alors séparés sur le flanc s’accolent comme pièces de puzzle, et dans la direction de chaque main la ville se rassemble. La joie est formelle, le détachement mélancolique. Une autre fois, il y avait un garçon. Il était assis par terre, loin du bord. Il regardait son téléphone. Il faisait le guet.

A propos de Tristan Mat

Tristan Mat vit. Ailleurs. Il écrit. A la main. Site http://www.tristanmat.net/ Profil Facebook: https://www.facebook.com/tristan.mat.735