Nous arrivons devant l’entrée du métro. La station Rajiv Chowk. L’accès principal à l’escalier est barré et protégé par des sacs de sable empilés. Un homme armé d’un fusil automatique d’un geste nous demande d’avancer dans la file. Nous passons tous au détecteur. Soudain, dans le hall immense de la gare, un large escalier descend dans un trou profond où se croisent et attendent sur le quai des millions de personnes. Des femmes en sari descendent tranquillement les marches vers le train qui doit arriver dans trois minutes. Sur le quai, nous attendons notre tour pour pouvoir monter à bord du train, ce ne sera pas celui-ci, peut-être le suivant. Le wagon dans lequel nous montons est bondé. Peu à peu, nous reculons au fond tandis que notre station d’arrivée est proche. Plus nous nous approchons de notre destination, plus nous nous éloignons de la sortie. Mais les gens de New Delhi savent vivre et s’organiser ensemble. Maintenant sur le quai, j’ai l’impression d’avoir glissé entre les gens, d’avoir été extrait en douceur de la rame. Cela me rappelle avec quelle douceur, dans un bus, un homme que je ne connaissais pas m’avait caressé la joue pour en chasser un moustique. Ou un autre qui m’avait prévenu dans une rue que j’étais suivi par un singe et que je devais faire attention à mes commissions.
Sur la grande place — je ne devrais pas dire grande, à New Delhi, c’est un euphémisme, car ici les places et artères sont immenses — je traverse la rue, ou peut-être une autoroute urbaine, pendant qu’autour les véhicules de toutes sortes, rickshaw, camion, bus, motocyclettes, 4X4, limousines, voitures à cheval, s’organisent avec cette information derrière le pare-brise ou entre les ornières, à savoir moi, qui traverse. Et je continue ma traversée sans m’arrêter. S’arrêter ne serait-ce qu’un instant désorganiserait le tout. Un moment d’hésitation et le chaos.
Le temple Balaji et Hanuman. Un immense singe. Je ne devrais plus tenter d’exprimer d’ordre de grandeur, disons un singe rouge haut d’une bonne dizaine d’étages d’un immeuble. Le visage terrible, il foule du pied le roi des démons Ravana, La gueule ouverte du démon est l’entrée, ses crocs les deux piliers principaux. Sur les marches, les hommes en chemise à manches longues retroussées et pantalon en gros coton, des sandales aux pieds et les femmes en sari multicolore, des fleurs de jasmin dans le chignon ou les cheveux noirs sur les épaules. Le parfum de l’encens se mêle à l’odeur âcre de pneu brûlé, de terre, de rafia, de bois calciné. Des clochettes tintent, des gens retirent leurs chaussures devant la première marche tandis que d’autres les remettent. On entre et sort par la grande gueule ouverte, sous les yeux terrorisés de Ravana, le terrible démon défait par Hanuman le singe puissant qui arracha une montagne pour être certain de ramener la bonne plante à la fille malade du prince. Et tout sur la place semble guidé par cette conviction puissante.
Les immeubles ont des inscriptions à tous les étages, dentiste, grossistes, coiffeur, salle de gymnastique, informatique, robe de mariée, Craft shop, meubles et literie, astrologue. En hindi parfois en anglais, les enseignes sont peintes, en vert, rouge, bleu, jaune, ou ce sont de grands panneaux montrant de belles femmes en robe, un homme torse nu en jeans fait une posture de yoga, un pantalon souple et solide à n’en pas douter. Et donc, à tous les étages, cela s’affaire. Les roupies, papier, humides, molles, glissent d’une main à l’autre après avoir été piochées dans des liasses, par une femme un large sac en plastique au poignet ou tout juste sortie par un homme de la poche arrière de son pantalon ou de celle de sa chemise sur sa poitrine.
trop beaux ces terminus, on dirait qu’ils ouvrent tant d’autres choses, et au voyage, quant à la douceur du moustique… on fond, et pas de trop de chaleur