Terminus Stockel, Woluwé Saint-Pierre, sud-est de Bruxelles.
Dès que les portes s’ouvrent, une grande fresque compilant toutes les aventures de Tintin fait face aux voyageurs. Toutes ces cultures, tous ces pays, tous ces habits dans les personnages représentés ainsi, en enfilade le long des murs du quai.
Mais dans la vraie vie d’une commune assez bourgeoise, point de multiculturalité. Le lieu a carrément été très vite déserté. Les gens sortent, retournent à leurs vies, et si on attend ici, c’est pour retourner dans l’autre sens. Pas d’autre possibilité. Une seule sortie, vers la gauche, ou l’attente de retourner vers le centre et l’animation.
Silence cotonneux. Une femme en robe africaine et fleurs rouges est déjà prête, assise dans le véhicule. A elle, toutes les possibilités de place. Elle va pouvoir faire la fine bouche et tester tous les points de vue. Bruit des portillons mobiles et des cartes pointées. Des gens arrivent, d’autres repartent. Un quinquagénaire, look fringant et parapluie à pois en main, regarde le tableau d’affichage. Un nouveau métro arrive, déversant indolemment son nouveau lot d’ex-passagers-redevenus-habitants-de-la-ville. Un chien trottine, sans laisse, derrière sa jeune maitresse. On le croirait échappé de la fresque burlesque de Tintin.
Et à nouveau, le retour du silence. Etrange timing, comme le flux de la marée ou le mouvement des astres. Jamais d’interférences – Deux métros ne pouvant pas arriver en même temps : celui-là même qui était terminus se transforme en métro vierge pour amorcer un autre trajet. Il reperd en expérience suburbaine, redécouvre la vie et le bruit. Comme si on lui offrait une récompense, durent acquise, puis qu’on l’en privait une heure après.
Si l’on décide quand même de suivre les gens vers l’extérieur, on peut voir deux jeunes femmes papoter de l’autre côté des portillons, farfouillant d’un amusement agacé dans leurs sacs à main à la recherche, sans doute, de leurs abonnements STIB. « Vous pouvez sortir. Merci », puis la traduction néerlandophone, une femme avec poussette a emprunté le portillon plus large. Son ainé la suit, garçonnet tout droit sorti de Peter Pan et des Enfants perdus. Arche de lumière en retournant vers l’air libre. Deux enfants se tiennent la main. A contresens, encore, de futurs passagers gagnent le hall du métro, garni d’échoppes et petites restaurations fermées. On est dimanche. Pourtant, odeurs d’une sandwicherie-bar Illy, droit devant. Et voilà la rue, presque face au cinéma de quartier, Le Stockel, l’un des rares survivants hors centre-ville. « Have a wonderful day and smile » tagué sur les contours d’un grand bac à plantes. Bruit du relayage de publicités mouvantes, à un arrêt de bus ; on dirait un aspirateur refusant de démarrer. Cycliste-brise marine puis homme à turban. Ambiance décontractée mais toujours des choses à relever. Et que dire de ce vieux couple au regard attendri, assis à la terrasse ?
Le temps qui passe devant le hall d’un terminus de métro. Le doux ennui qui ronronne.
« Les gens passent
Par là qu’on en voit de
Toutes mes couleurs
Que passent des gens qui rient, gens qui pleurent
Qui passent dans mon cœur en courant d’air
Les gens passent et des meilleurs » – ZAZIE, Les gens passent, 2010