Dans ce rêve, tu marches, tu marches entre des empilements de crânes. Ils te regardent depuis leur mort. Ils sont tous bien rangés ces crânes des morts. Ils baignent dans la fraîcheur les crânes. Tu croises des chapelles naïves dessinées sur les murs. Parfois, dans les os des crânes, des trous. Qui les a faits ? Tu redoutes leur haleine de cadavres aux crânes des vieux morts mais l’air est plutôt sec. Tu penses les entendre chuchoter contre toi et puis rien. Écoute mieux. Seul avec les crânes des morts. Tu accélères l’allure. Puis, un grondement qui passe au loin. Le métro si proche ? Une petite une grille fermée devant toi. Ta main sur la poignée, une poussée, elle s’ouvre. Après quelques mètres, un autre escalier étroit qui descend en colimaçon. Encore ce grondement, plus proche, toujours bref. Un replat et tu débouches sur une ligne de métro. Quelques veilleuses, l’odeur de caoutchouc des freins qui flotte, tu notes l’absence de ces grands graffitis colorés. Des vibrations enflent sur les rails, une rame à l’approche. Se plaquer contre le mur. Des câbles dans ton dos. Le souffle d’un fracas de fer et de chaleur vibrant, une lumière blafarde, des ombres dedans. Ils balayent tout devant toi. En apnée, contre le béton noir, ça dure. Et puis tout s’éloigne, lourdes poussières en suspension. Étourdi, tu fais quelques pas vers la niche dans la paroi par où tu penses être arrivé. Des escaliers, mais ils descendent encore. Tant pis. Ils te semblent bien plus longs que les premiers. Bientôt, encore un replat, bientôt une nouvelle galerie. Moins haute, plus sombre, la taille a été plus grossière. Encore des rails mais cette fois moins larges, plus rudimentaires et plus cette odeur de métro. Tu avances un peu. Quelques flaques au sol, de l’eau qui suinte sur les murs. Il te semble entendre comme des coups clairs qui résonnent loin. Des pas, tu entends maintenant des pas réguliers dans ta direction, des grincements aussi. Vite, tu te replies dans l’ombre de la niche. Tu as pris soin de ne pas trop t’éloigner. Passe bientôt devant toi un gosse, très jeune, en haillons, pieds nus. À ta hauteur, il regarde dans ta direction. Deux gros yeux très pâles. Tu le reconnais ? De sa main, il guide un cheval gris poussière. Les yeux bandés, l’animal tire derrière lui des wagonnets. Dans les wagonnets des têtes, des têtes vives, hirsutes, aux yeux noirs. En te voyant, leurs grandes bouches sombres éclatent de rire. Réveil.